Février européen, nous aurions eu un 17 mars, un 16 avril, un 15 mai, et des journées de juin européennes. Croit-on que la Hongrie, qui, sur la fin de 1848, par un égoïsme de nationalité bien coupable, offrait à l’Autriche de marcher sur l’Italie, croit-on, dis-je, que la Hongrie, une fois satisfaite, eût appuyé le mouvement démocratique ? Croit-on que Mazzini, qui, en 1851, au nom de je ne sais quelle religiosité, proteste contre le socialisme et ses tendances antithéistes et antigouvernementales, eût favorisé la Révolution ?... Il en eût été de même partout : la portion libérale, mais non encore socialiste, des pays que nous aurions voulu affranchir se serait ralliée aux gouvernements : et quelle eût été alors notre situation ! Il est pénible de le dire : elle eût été exactement la même vis-à-vis de l’Europe entière que celle que nous venons de prendre dans les affaires de Rome, avec cette différence qu’ici nous sommes vainqueurs, et que là nous eussions été infailliblement vaincus.
Pour moi, convaincu de l’inutilité encore plus que de l’impuissance de nos armes pour le succès de la révolution, je n’avais point hésité à me prononcer, dans le Représentant du Peuple, contre la manifestation du 15 mai. Je ne croyais pas que la France, embarrassée de cette fatale question du prolétariat, qui ne pouvait, ne voulait, ne devait souffrir d’ajournement, fût en mesure d’esquiver la solution et de porter la guerre quelque part que ce fût. Je regardais d’ailleurs les moyens d’action économiques, si nous savions les employer, comme bien autrement efficaces vis-à-vis de l’étranger que toutes les armées de la Convention et de l’Empire, tandis qu’une intervention armée, compliquée de socialisme bâtard, soulèverait contre nous toutes les bourgeoisies, tous les paysans de l’Europe. Enfin, quant à ce qui touchait les nationalités que nous devions sauvegarder, j’étais convaincu que l’attitude de la France serait pour elles la meilleure sauve garde, le plus puissant auxiliaire.