de vue les choses courantes. Je ne savais rien, ni de la situation des ateliers nationaux, ni de la politique du gouvernement, ni des intrigues qui se croisaient au sein de l’Assemblée. Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle une Assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. Je m’étais mis à lire tout ce que le bureau de distribution remet aux représentants, propositions, rapports, brochures, jusqu’au Moniteur et au Bulletin des Lois. La plupart de mes collègues de la gauche et de l’extrême gauche étaient dans la même perplexité d’esprit, dans la même ignorance des faits quotidiens. On ne parlait des ateliers nationaux qu’avec une sorte d’effroi ; car la peur du peuple est le mal de tous ceux qui appartiennent à l’autorité ; le peuple, pour le pouvoir, c’est l’ennemi. Chaque jour nous votions aux ateliers nationaux de nouveaux subsides, en frémissant de l’incapacité du pouvoir et de notre propre impuissance.
Désastreux apprentissage ! L’effet de ce gâchis représentatif où il me fallait vivre, fut que je n’eus d’intelligence pour rien ; que le 23, quand Flocon déclara en pleine tribune que le mouvement était dirigé par des factions politiques ou soudoyé par l’étranger, je me laissai prendre à ce canard ministériel ; et que le 24 je demandais encore si l’insurrection avait bien réellement pour motif la dissolution des ateliers nationaux ! ! ! Non, monsieur Senard, je n’ai pas été un lâche en juin, comme vous m’en avez jeté l’insulte à la face de l’Assemblée ; j’ai été comme vous et comme tant d’autres, un imbécile. J’ai manqué, par hébétude parlementaire, à mon devoir de représentant. J’étais là pour voir, et je n’ai pas vu ; pour jeter l’alarme, et je n’ai pas crié ! J’ai fait comme le chien qui n’aboie pas à la présence de l’ennemi. Je devais, moi élu de la plèbe, journaliste du prolétariat, ne pas laisser cette masse sans direction et sans