Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/149

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conseil : 100,000 hommes enrégimentés méritaient que je m’occupasse d’eux. Cela eût mieux valu que de me morfondre dans vos bureaux. J’ai fait depuis ce que j’ai pu pour réparer mon irréparable faute ; je n’ai pas été toujours heureux ; je me suis trompé souvent : ma conscience ne me reproche plus rien.


XI.


QUI SUIS-JE ?


Ainsi la Démocratie se consumait elle-même, à la poursuite de ce pouvoir que son but est précisément d’annihiler en le distribuant. Toutes les fractions du parti étaient tombées l’une après l’autre : la Commission exécutive destituée, nous en étions aux républicains du lendemain, nous touchions aux doctrinaires. Si l’on ne parvenait à conjurer ce recul, ou du moins à le renfermer dans le cercle constitutionnel, la République était en péril : mais il fallait pour cela changer de manœuvre. Il fallait s’établir dans l’opposition, rejeter le pouvoir sur la défensive, agrandir le champ de bataille, simplifier, en la généralisant, la question sociale ; étonner l’ennemi par l’audace des propositions, agir désormais sur le peuple plutôt que sur ses représentants, opposer sans ménagements aux passions aveugles de la réaction l’idée philosophique et révolutionnaire de février. Un parti ne se fût point prêté à cette tactique ; elle exigeait une individualité résolue, excentrique même, une âme trempée pour la protestation et la négation. Orgueil ou vertige, je crus que mon tour était venu. C’est à moi, me dis-je, de me jeter dans le tourbillon. Les démocrates, séduits par les souvenirs de notre glorieuse révolution, ont voulu recommencer en 1848 le drame de 1789 : pendant qu’ils jouent la comédie, tâchons de faire de l’histoire. La République ne va plus qu’à