Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/271

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de leur commun idéal, toutes les fractions républicaines ; elle s’imposait au pays comme le gouvernement de l’avenir, et avançait de plusieurs années son triomphe.

Ces raisons, qui nous paraissaient alors sans réplique, ont été écartées par l’inspiration populaire du 10 décembre. Quelle intelligence eût pu deviner alors ce que recélait la pensée générale ?

Mais, ajoutera-t-on, parce que le parti démocratique et socialiste manqua dans cette occasion de perspicacité, était-ce une raison pour vous de le diviser encore ? À quoi bon cette candidature de Raspail ?

La candidature de Raspail était motivée précisément par celle de Ledru-Rollin. Un parti qui, à l’unanimité de ses membres, ment à son principe, est un parti perdu. En votant pour Cavaignac, la démocratie aurait fait simplement acte d’obéissance à la Constitution ; elle n’y adhérait point, elle réservait son principe et maintenait intactes ses doctrines. Tandis qu’en votant pour Ledru-Rollin, elle se prononçait pour la théorie gouvernementale, elle n’était plus socialiste et devenait doctrinaire. Il fallait, pour l’honneur de son opposition à venir, qu’une protestation surgît de son sein : sans cela elle n’avait plus, après le 10 décembre, qu’à se taire ou à conspirer.

Toutes ces raisons, je le reconnais aujourd’hui, pouvaient bien avoir alors quelque valeur : elles étaient loin de la haute sagesse qui, en poussant les masses à l’élection, leur commandait tout bas de voter pour Louis Bonaparte. Mais tout se réunissait alors pour dérouter notre jugement.

Pouvions-nous donc, dans cet inconcevable entraînement des esprits au souvenir d’un despote, voir autre chose qu’une haine aveugle de la révolution démocratique et sociale, une ignoble protestation contre les 45 centimes ? Or, ainsi, qu’on nous l’a si souvent reproché à nous autres