Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/270

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cipes : la candidature de Raspail fut maintenue en face de celle de Ledru-Rollin.

Pauvres Montagnards, pauvres myopes ! vous vouliez du pouvoir, vous alliez en avoir, mais ce serait pour la dernière fois ! Enfin, l’élection de Louis Bonaparte vint ramener la concorde parmi les patriotes. En haine de la démocratie, vaincue par elle-même en mars, avril, mai, juin ; en dédain de la république modérée ; en oubli des services de Cavaignac, le pouvoir fut décerné à Louis-Napoléon. À la possibilité d’un fructidor la nation répondait par la possibilité d’un brumaire : encore une fois, était-ce là une raison d’État ? était-ce, pour une grande nation, maîtresse d’elle-même, une considération à la hauteur d’un si grand intérêt ?

On demandera peut-être, puisque le candidat de la démocratie socialiste n’avait pas de chances, ce que le parti pouvait gagner, selon le Peuple, soit à ne voter pas, soit à se rallier au parti que représentait Cavaignac ; quelles raisons, enfin, nous avions de nous opposer à l’avènement de Louis Bonaparte.

En ne votant pas, la démocratie socialiste frappait le monde par un acte éclatant de scepticisme politique ; elle abjurait son gouvernementalisme ; elle se grossissait de toutes les abstensions, et quadruplait ainsi sa force numérique. De plus, elle fixait d’avance le point sur lequel devait porter, en 1852, la révision de la Constitution, et déterminait ainsi le caractère de la future opposition constitutionnelle. Enfin, si l’exemple des démocrates n’était pas suivi, du moins ils ne subissaient pas la honte d’une outrageante défaite.

En votant pour Cavaignac, la démocratie socialiste obéissait au principe de fusion qui forme son essence ; elle déteignait sur la république modérée ; elle commençait à se l’assimiler ; elle marquait le but où tendaient, par la force