Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/286

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meilleure partie des forces que lui avait apportées le scrutin de décembre. Compromis par O. Barrot, engagé dans une expédition liberticide par M. de Falloux, déshonoré par Léon Faucher, le Gouvernement s’affaissa sous le nouveau Président pour ne se relever plus. La foi au pouvoir, le respect de l’autorité est mort dans les cœurs. Qu’est-ce qu’une puissance qui ne repose que sur la pointe d’une baïonnette ? Rois et princes n’y croient plus eux-mêmes : leurs intérêts de capitalistes passent avant leur dignité de souverains. Ce n’est pas de leur couronne qu’ils s’occupent aujourd’hui ; c’est de leurs propriétés ! Ils ne protestent point, comme autrefois Louis XVIII, l’exilé de Mittau, contre les actes de la démocratie ; ils lui réclament leurs revenus. Essayer de la monarchie, en France, quand tout le monde, et les titulaires eux-mêmes, n’y voient plus qu’une affaire de liste civile, c’est tourner le poignard dans le cadavre.

Il n’y a pas de victoire sans morts ni blessés. J’ai gagné, à la bataille du 29 janvier, livrée entre l’autorité législative et la prérogative présidentielle, trois ans de prison. Ce sont là les croix et les pensions que la République démocratique et sociale promet à ses soldats. Je ne m’en plains pas : Qui cherche le péril périra, dit l’Écriture sainte ; et, À la guerre comme à la guerre. Mais je ne puis m’empêcher de faire remarquer ici avec quelle profonde sagesse le législateur, soigneux des vengeances des partis, leur a donné, dans l’institution du jury, un moyen honnête de se décimer les uns les autres, et a rétabli, pour le service de leurs haines, l’ostracisme dans nos lois.

En attaquant Louis Bonaparte, je m’étais cru, vis-à-vis de la justice, parfaitement en règle. Le seul délit qu’on pût me reprocher, si tant est que j’en eusse commis un, était d’avoir offensé le Président de la République. Or, le Président de la République étant, comme tout autre magistrat, responsable ; par conséquent les prérogatives de la