Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/357

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versel qui l’honorent, il n’en est pas où l’innovation soit plus mal accueillie, de plus réfractaire au progrès.

Jusque dans nos hardiesses, nous nous montrons mesquins et couards. À quoi nous a servi le mouvement encyclopédique du 18e siècle ? L’incrédulité voluptueuse de nos philosophes nous amuse, mais ne nous empêche pas, fanfarons d’impiété, de prendre, au dernier moment, nos passeports. Confesse-toi toujours, on ne sait pas ce qui peut arriver ! voilà notre dernier mot au lit des mourants. Lâches devant Dieu, impertinents devant les hommes. En aucun pays vous ne verrez autant d’esprits forts se gaudir des prêtres et des dévots, et conserver au fond du cœur une crainte sérieuse de l’enfer. C’est chez nous qu’on a fait les meilleurs contes sur le Père éternel, si plaisamment surnommé par Diderot Monsieur de l’Être, et qu’on l’a le mieux servi. Nous avons produit Pantagruel, Tartufe, Candide, et le Dieu des bonnes gens ; mais l’À Kempis est toujours pour nous le plus beau livre sorti de la main des hommes. Nous avons crié avec Voltaire, Écrasez l’infâme ! C’était le sublime de l’impiété, et nous cherchons les émotions. Mais, par une honteuse capitulation, qui ne nous sauvera pas plus des flammes éternelles que des sifflets, nous nous en tenons au déisme banal de Rousseau. Un Dieu irresponsable, qui règne et ne gouverne pas ; dont nous ne disions point de mal, à la condition de pouvoir impunément vilipender ses ministres et son culte ; un bon Dieu pour nos catéchismes, nos romans et nos harangues ; une bonne d’enfants, une servante pour tout faire : telle est notre conception de la divinité, telle est notre foi. Nos universitaires, jouant sur les mots comme les fils d’Escobar, croient, avec cette théologie de cuisine, faire preuve de génie et d’audace, et se disent plus religieux, plus chrétiens que le Pape. Pour le surplus, c’est par tolérance, disent-ils, (quelle grandeur d’âme !) et afin de ne pas scandaliser les faibles, (quel respect