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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/361

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II.


Me demandera-t-on à présent la cause de cet amour inné des moyens termes, de ce culte du juste-milieu et de l’immobilisme, qui se manifeste partout dans nos tendances nationales, et fait de nous une nation conservatrice par tempérament et par goût, révolutionnaire seulement par nécessité et par exception ?

Cette cause, je crois la découvrir dans les conditions organiques et climatériques de notre société, dirigée de temps immémorial vers une sorte d’état mitoyen, qui se trahit partout dans nos institutions et nos habitudes. Signalons seulement :

1o l’extrême division des propriétés et la multitude de petites industries et petits commerces, qui, créant pour chaque père de famille, agriculteur, boutiquier, fabricant, une sphère d’activité absorbante, nous fait perdre de vue l’action générale, et conséquemment la haute initiative ;

2o le régime communal et départemental, les chambres de commerce, comices agricoles, etc., qui, aux millions de centres domestiques, ajoutent 50,000 foyers d’intérêts locaux et corporatifs, divisent à l’infini l’action de l’État, et, tout en vivant d’une vie propre, règlent leur action sur la sienne ;

3o les 600,000 salariés du pouvoir et des communes, directement intéressés au statu quo, et comprimant sous leur poids la force explosive du pays ;

4o la facilité, au moins apparente, de réaliser par le travail et le négoce un petit avoir, qui, sous un climat tempéré, dans un pays fertile, avec des habitudes prises de médiocre aisance, suffit à l’ambition du grand nombre ;

5o la production vinicole, qui, en disposant l’esprit à la gaîté, le détourne du dogmatisme, chasse le sérieux des spé-