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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/362

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culations, amène l’insouciance des masses, en les rendant, à bon marché, satisfaites de leur sort.

La France est le pays de l’aurea mediocritas, chantée par les utopistes de tous les siècles. Facilité des mœurs, sécurité de la vie, égalité et indépendance des fortunes, tel est le rêve du peuple français. Aussi, malgré tout ce qu’on a écrit de sa vanité et de son ambition, cette humeur conquérante qu’on lui reproche se borne-t-elle à ne rester en arrière d’aucun autre : chez lui le vice capital n’est pas l’orgueil, c’est l’envie. Est-il étonnant que ce peuple, ennemi de toute espèce de faste, qui toujours se voit et se croit si près de son idéal, se montre indifférent aux idées et aux inventions dont l’esprit novateur l’accable, indocile aux réformes qu’on lui propose ; qu’il dénigre et contrecarre tout ce qui dépasse les habitudes prises et les idées faites ; qu’il ne se lève que pour la défense de son petit bien-être, et que sa tendance constante soit d’arriver, par le chemin, non le plus court, mais le plus uni, à cet équilibre des conditions que lui ont promis les théoriciens du juste-milieu, et qui est pour lui le bonheur ?

Toutes les fois que la nation française s’est montrée violente, soit dans la réaction, soit dans la révolution, ç’a été uniquement parce que son bien-être, tel qu’il lui est donné de le concevoir et de le comprendre, lui semblait compromis, tantôt par la politique des princes, tantôt par le fanatisme des partis et des sectes ; c’est parce qu’elle sentait le moyen terme, dans les intérêts, les droits, les idées, lui échapper. Qui, par exemple, nous a fait repousser avec tant d’acharnement les Huguenots et maudire la Ligue ? Avant tout, le non-chaloir en matière de spiritualité qui nous rend odieux toute espèce de religionnaires, et que le vulgaire traduit par la foi du charbonnier. Puis, si la méfiance était grande pour les Huguenots, soutenus par les seigneurs et suspects de tendances féodales, elle n’était pas moindre