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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/79

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pement des idées socialistes, avaient répété sur tous les tons : La Révolution sociale est le but, la Révolution politique est le moyen, furent embarrassés, Dieu sait ! quand, une fois en possession du moyen, il leur fallut arriver au but et mettre la main à la besogne. Ils y réfléchirent, je n’en doute pas ; et bientôt ils durent reconnaître ce que M. Thiers a révélé plus tard, ce qu’avait dit avant lui le président Sauzet, c’est que le gouvernement n’est point fait pour donner du travail à l’ouvrier, que le plus sûr pour eux était de continuer le statu quo de Louis-Philippe et de résister à toute innovation, tant que le peuple n’imposerait pas d’autorité une réforme.

Pourtant ils ne manquaient point d’intelligence, ces conspirateurs de trente ans, qui avaient combattu tous les despotismes, fait la critique de tous les ministères, écrit l’histoire de toutes les révolutions ; dont chacun avait une théorie politique et sociale en portefeuille. Ils ne demandaient pas mieux que de prendre une initiative quelconque, ces aventuriers du progrès ; et les conseillers non plus ne leur firent défaut. Comment donc restèrent-ils trois mois sans produire le plus petit acte réformateur, sans faire avancer d’une ligne la Révolution ? Comment, après avoir garanti par un décret le droit au travail, ne parurent-ils s’occuper, tout le temps qu’ils furent aux affaires, que des moyens de ne pas remplir leur promesse ? Pourquoi pas le plus petit essai d’organisation agricole ou industrielle ? Pourquoi s’être privé de cet argument décisif contre l’utopie, l’expérience ?...

Comment ! pourquoi ! Faut-il que je le dise ? faut-il que ce soit moi, socialiste, qui justifie le Gouvernement provisoire ? C’est, voyez-vous, qu’ils étaient le gouvernement ; c’est qu’en matière de révolution l’initiative répugne à l’État, autant que le travail répugne au capital ; c’est que le gouvernement et le travail sont incompatibles comme la raison