Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/112

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les revendre, au même instant et à la même personne, chèrement et à crédit. — Le Report est quand un homme, qui a besoin de 37,500 fr., vend au comptant 25 actions d’Orléans à 1.500 fr., qu’il rachète immédiatement à 1,510 fr. pour la liquidation suivante.

Dans le Mohatra, le propriétaire des valeurs n’est, comme on le voit, qu’un prêteur déguisé ; dans le report, c’est un emprunteur ; voilà toute la différence. Les bons pères n’avaient en vue que de calmer les consciences des dévots usuriers ; les financiers avaient à la fois à s’affranchir des lenteurs du contrat sur gages et à éviter la correctionnelle. Que pensent les fidèles et les jurisconsultes de ces échappatoires ? Qu’on ose encore parler d’opposer la conscience et de bonnes lois aux mauvais instincts !

« Dans les reports, dit M. Deplanque, on voit fréquemment l’intérêt s’élever jusqu’à 10 0/0 de la somme prêtée par quinze jours, laps de temps pour lesquels sont en général consentis ces sortes de contrats. À ce taux, si les capitaux pouvaient toujours être employés, on retirerait de son argent un petit revenu de plus de 250 0/0 par an. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas à la Bourse d’opération qui vaille mieux que celle-là.

« Il y a tous les jours de pauvres diables d’imbéciles qui se font condamner comme usuriers pour avoir bêtement baillé leur argent à 12 ou 15 0/0 l’an, contre lettre de change ou autres engagements aussi sérieux, à quelques fils de famille qui se gardent bien de le leur rendre, préférant les faire condamner au nom de la morale publique. Mais on ne risque pas d’être taxé d’usure pour prêter en report à 23, 50 et 100 0/0 par an. À bien avisé, salut ! » (Almanach de la Bourse).

Montrons par quelques exemples toute l’excellence de la position du reporteur.

Je possède 60,000 fr. dont j’aurai besoin dans un mois ou deux ; je ne puis les engager dans une affaire de commerce pour si peu de temps, et afin de ne pas les laisser stériles, je fais l’opération suivante : j’achète du 3 0/0 à 67 au comptant, et je le revends de suite fin courant à 67 35. Mes fonds seront disponibles pour l’époque où j’en aurai besoin, et ils m’auront rapporté pendant ce mois 35 cent. de bénéfice par coupon, soit un taux de 5 fr. 40 0/0 l’an.