Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/113

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Si je veux prolonger mon opération :

J’ai opéré un premier report fin juillet. Je dois remettre à X les titres que je lui ai vendus ; cependant je n’ai pas encore besoin de dégager mon capital. J’achète alors une somme de valeurs égale à celle que je dois livrer : mon dernier vendeur fera la livraison à X, et recevra de lui la somme que je devais toucher moi-même. Je garde ainsi mes titres. Je puis les revendre fin août, et recommencer de mois en mois, ou de deux en deux mois la même opération. Dans ce cas, mon premier achat devient une opération de placement ; mes achats de fin de mois sont opérations de spéculation : elles se trouvent consommées dans les délais légaux.

On a intérêt à employer ce moyen quand, à l’échéance du marché, les fonds sont en baisse. Ainsi, j’ai acheté comptant du 4 ½ à 89 ; je le revends fin prochain à 89 75. À l’époque de la livraison le 4 ½ est à 88. J’ai intérêt à racheter des rentes, car je bénéficie de la différence entre 88 et 89 75, soit 1 fr. 75, tandis qu’en livrant mes titres achetés à 89, ma plus-value n’est plus que de 75 centimes. Je puis ainsi attendre la hausse. Si je suis forcé de réaliser, je ne perds rien à la baisse, car j’ai vendu à 75 centimes de profit ; seulement je manque à gagner.

Lorsqu’au contraire les fonds sont en hausse au moment de la livraison, il faut consommer la première opération, sauf à en recommencer une identique le mois suivant. Ainsi, dans l’exemple précédent, supposons que les fonds soient à 90 fr., je n’irai pas acheter à 90 pour livrer à 89 75 ; c’est mon acheteur qui profite de la plus-value de 25 centimes. Mais, encore une fois, je ne perds rien, puisque je reçois 89 75 et que j’ai payé 89.

Les opérations que nous venons de décrire sont relativement honnêtes. Les habiles ne s’en contentent pas. Ils s’empressent de vendre, font de nouveaux reports sur la même valeur, revendent et reportent à outrance, écrasant les cours et poussant à la baisse afin de pouvoir racheter à bas prix, en liquidation, les valeurs dont ils sont tenus de couvrir leurs reportés.