Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/134

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Quelle loi morale, quel principe de justice peut, au for intérieur, défendre les marchés à terme ?

Aucun assurément. En premier lieu, la condition aléatoire est de l’essence de la production et de la circulation des valeurs : d’autre part, le terme, ou, pour mieux dire, le délai entre la livraison de la marchandise et la réception de la contre-valeur qui la paye, est la condition non moins essentielle du crédit et de l’échange.

Le hasard, par lui-même, n’est ni moral ni immoral. Sans doute, dans une société organisée sur le principe de garantie mutuelle, tous les efforts combinés tendraient à éliminer le hasard : mais là où cette mutualité n’est pas décrétée, l’agiotage devient prépondérant, et toute loi qui prétendrait le restreindre dans un ordre de transactions pendant qu’elle le laisserait libre dans les autres serait une loi arbitraire, une loi de mensonge et d’iniquité.

En deux mots : la mutualité opère contre le hasard, comme on le voit par l’assurance ; l’agiotage opère sur. Aucune loi ou constitution mutuelliste n’ayant déterminé à cet égard les droits et les devoirs des citoyens, leur condition légale est le jeu : cette conséquence est forcée.

Il suit de là que ce qui serait illicite, coupable dans un régime de mutualité, à savoir, la recherche de l’agio pour lui-même, à la place du produit, cesse de l’être dans un régime d’insolidarité absolue, où tout est abandonné à la fortune.

Cela posé, on demande : Lequel des deux est le plus moral en soi, le plus utile, le plus conforme à la justice éternelle et à l’économie, de ces deux régimes : la mutualité ou la licence ? Dépend-il de la volonté du législateur, du sophiste, que ce soit indifféremment celui-ci ou celui-là ?

Et c’est à cela que nous répondons, contre les économistes : Voyez les faits.

D’après des documents officiels, le produit du service des agents de change, à Paris, pour 1855, a été de 80 millions, ce qui suppose une masse de transactions de 64 milliards, non compris les opérations de la coulisse, etc.

Les transactions sérieuses n’atteignent pas certainement