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Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/137

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deux chevaux gris et leurs harnais ; on livra douze acres de terre pour une quatrième. Il y eut un spéculateur qui, en quelques semaines réalisa 60,000 florins (69,600 fr.)

« Mais à la fin, l’heure de la panique sonna, la confiance s’évanouit, on manqua aux engagements, on cessa de payer de tous les côtés, les rêves dorés se dissipèrent. Ceux qui, une semaine avant plaçaient les plus magnifiques espérances dans la possession de quelques tulipes, qui leur auraient suffi pour réaliser une fortune princière, restaient le visage allongé et l’œil stupéfait devant de mauvais oignons qui n’avaient aucune valeur intrinsèque, et qu’ils ne pouvaient vendre à aucun prix.

« Pour conjurer le mal, les marchands de tulipes convoquèrent des assemblées et firent de beaux discours dans lesquels ils prouvaient que leurs tulipes avaient plus de valeur que jamais, et que la panique était aussi absurde que mal fondée. Ces discours excitèrent de grands applaudissements ; mais les oignons n’en restèrent pas moins sans valeur. » (La Bourse de Londres, par J. Francis, traduction de M. Lefebvre-Duruflé, sénateur, ancien ministre.)

Quel rêve d’une imagination en délire s’élèverait jamais à la hauteur de l’histoire ? La pierre philosophale fut mise en commandite de 1824 à 1825 :

« Parmi les compagnies qu’on voyait surgir chaque jour, il s’en forma une pour fabriquer de l’or. On annonçait que le succès était certain. Les actions furent enlevées avec fureur ; mais, leur placement achevé, on avertit les actionnaires que, comme les frais qu’entraînerait la fabrication d’une once d’or en atteindraient deux fois la valeur, on était obligé de dissoudre la société, et que le versement effectué serait retenu pour payer les frais faits jusque-là. » (Bourse de Londres, page 272.)

Restons dans les données contemporaines. L’esprit humain, malgré sa passion effrénée du jeu, qui lui représente sa spontanéité et son indépendance, répugne au néant : il aime à se reposer sur des matérialités. Ici commence la conversion du jeu en escroquerie.

« En France comme en Angleterre, à Paris comme à Londres, le démon de l’agiotage a tourné la tête des habitués de la Bourse, et sali de son contact les affaires les plus recommandables. Alléchés seulement par l’appât des primes et par les différences considérables qu’il était possible d’occasionner d’un jour à l’autre sans risquer beaucoup d’argent, les hommes qui se sont mêlés à ces