Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/169

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résister à un si touchant accord ? Le public sait-il que ce sont trois porte-voix à une seule embouchure ?

Les journaux voués spécialement aux affaires financières, outre la faculté de donner leur avis, favorable ou défavorable, sur les valeurs dans lesquelles les rédacteurs ont des intérêts engagés, ont encore une correspondance publique avec les spéculateurs qui les ont choisis pour oracles. Ils écrivent, sans désigner toutefois l’entreprise dont ils parlent :

« Bonne affaire, dont la baisse n’est sans doute que momentanée, par suite d’embarras de place ; gardez, vous verrez une reprise. — Vendez. — Se relèvera. — Acceptez avec empressement. — Hâtez-vous de souscrire, vous et les amis dont vous parlez. — La valeur est bonne et d’un bel avenir. — Nous ne sommes pas plus rassurés que vous sur cette valeur. — Votre placement est toujours sûr. »

Tout est bon à la réclame, journaux, revues, annuaires, guides, almanachs ; tout sert d’occasion, de prétexte, de moyen, même la morale, à cette industrie de sycophantes. Il est bien à vous, dirons-nous à l’Almanach de la Bourse, de distribuer aux spéculateurs vos précieux conseils ; mais de quel droit, faisant la revue des valeurs cotées, vous permettez-vous de dire : Chemins de fer du Midi, n’achetez pas. — Chemin de fer Victor-Emmanuel, n’achetez à aucun prix. — Fonds espagnols, idem. — Compagnies maritimes, mauvais placement, etc. Oubliez-vous que sous ces désignations, il n’y a pas seulement une table de jeu, qu’il y a aussi une réalité industrielle, une entreprise à laquelle il ne vous est pas permis, par vos dénonciations téméraires, de porter préjudice ? Que savez-vous si cette affaire que vous signalez comme mauvaise ne deviendra pas excellente ; si cette autre que vous recommandez comme sûre ne tombera pas bientôt en faillite ?

On ne sait en vérité lequel on doit le plus admirer, de l’aveugle confiance des demandeurs d’avis ou de la présomption des conseillers.

L’organe de M. Vergniolle s’intitule l’Industrie, c’est en