Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/178

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des vendeurs. Ainsi les 571,741 actions transférées ont été vendues par 8,884 personnes, et achetées par 17,469 actionnaires nouveaux.

« Les 400,000 notions étaient, au 31 janvier 1846, possédées par 18,000 actionnaires : ce qui représente moyennement 22 actions par chaque titulaire. »

Il est aisé de faire compte de cette opération. Le nombre des actions du Nord est de 400,000, émises au pair de 500 fr. (liquidées plus tard à 400) ; elles se vendaient, fin janvier 1846, au cours de 755 fr. ; on n’avait encore fait qu’un versement de 125 fr. Puisqu’il avait été transféré 571,741 actions, c’est que la prime de 255 fr. par chaque titre avait été répartie entre plusieurs acquéreurs ayant acheté et vendu à des taux divers entre le pair et 755. Quant aux premiers souscripteurs, la haute finance et ses protégés, accapareurs de toutes les actions au pair, voici la faculté de bénéfice brut qui leur était réservée :

Le premier versement de 125 fr. constituait un déboursé de 50 millions :

L’encaissement de la prime de 255 fr. réalisait un bénéfice de 102 millions. À défalquer les dépenses pour manœuvres ci-dessus décrites, mémoire.

En d’autres termes, les 17,469 actionnaires nouveaux achetaient aux écumeurs, moyennant la somme de 102 millions, non pas l’action portant dividende, mais le droit de continuer les versements ultérieurs. En 1850, c’est-à-dire cinq ans après, les actions du Nord ne touchaient encore que 24 fr. de dividende, intérêts compris, c’est-à-dire 6 0/0 du capital versé de 400 fr.

L’opération que nous venons de citer s’est répétée et se répète encore dans toutes les compagnies possibles. La certitude qu’ont les financiers de faire primer les actions avant un second versement leur permet, avec 125,000 fr. de disponibles, d’en souscrire 500,000, de toucher l’agiosur 100,000 actions au lieu de 25,000, enfin de gagner en trois mois 102 millions avec 50, plus ou moins, quel que soit l’avenir de la compagnie.

À cela que peut-on trouver à redire ?