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Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/184

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sauter dans les feuilles quotidiennes, le compte rendu des assemblées d’actionnaires, se figure que toutes les iniquités dont elle entend parler de temps à autre sont des exceptions, qui se rattachent aux spéculations fantastiques d’une époque de fièvre, qui passe comme toutes les crises. On se refuse à croire que les grands capitalistes et les personnages influents qui administrent les affaires des compagnies soient capables de s’enrichir indirectement aux dépens de leurs constituants.

Une histoire secrète des compagnies détromperait vite les âmes simples. On apprendrait comment, naguère encore, dans telle compagnie, les directeurs se partagèrent entre eux 15,000 actions nouvelles qui se vendaient alors avec prime ; comment ils se servirent des fonds de la compagnie pour payer les à-compte dus sur ces actions, et comment l’un d’eux puisa ainsi dans la caisse commune jusqu’à concurrence de plus de 80,000 livres sterl. (2 millions de francs). On saurait comment, dans une autre, un demi million sterling se trouvait porté sous des noms fictifs ; comment, dans une troisième, les directeurs achetaient en compte plus d’actions qu’ils n’en avaient émis ; comment, dans plusieurs, ils rachetaient pour la compagnie leurs propres actions, se payant eux-mêmes avec l’argent des actionnaires. On apprendrait que des directeurs, alors que l’intérêt de l’argent est à un taux élevé, contractent à un taux inférieur des emprunts pour leur propre compte sur les balances flottantes que la compagnie a chez des banquiers ; que d’autres encore se payent des salaires supérieurs à ceux qui ont été fixés, dissimulant la différence sous la dénomination de frais divers dans un coin obscur du grand livre. On trouverait que dans certains cas les procurations à l’aide desquelles on a pu enlever des mesures contestées avaient été obtenues au moyen d’exposés inexacts, et qu’il a été fait usage de procurations spéciales pour des affaires autres que celles pour lesquelles elles ont été données….. Les directeurs d’une compagnie seraient convaincus d’avoir fait passer certaines résolutions au moyen d’actions privilégiées mises sous le nom de chefs de station, d’avoir fait compter comme valables des procurations émanées des enfants du secrétaire, trop jeunes pour écrire, etc., etc.

Nous n’avons pas l’honneur de l’invention, comme on peut voir : mais il faut avouer que pour la contrefaçon nous n’avons pas nos pareils.