Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/199

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millions 1/2 le 22 novembre, 12 millions 1/2 le 22 décembre, 5 millions le 7 janvier 1848, et 10 millions le 7 de chaque mois jusques et compris le 7 novembre 1849. En faisant le décompte des arrérages, l’État, qui achetait alors par la Caisse d’amortissement le 3 0/0 au cours moyen de 76 fr. 71 c., le cédait à M. de Rothschild au prix de 72 fr. 48 c. Les 25 millions des deux premiers termes, payés par anticipation, sous escompte de 3 0/0, restaient affectés à la garantie du Trésor, jusqu’au payement du solde définitif.

« L’opération paraissait donc excellente, et le soumissionnaire la réalisa d’abord avec une grande facilité. Non-seulement il acquitta les premiers termes avec exactitude, mais il escompta une partie des suivants et les paya avant l’échéance. Il avait acheté à 4 fr. 56 c. au-dessous du cours du 10 novembre : si l’état du marché ne changeait pas, il pouvait donc espérer un bénéfice de 15 millions au moins.

« 85 millions environ avaient été payés et réalisés, lorsque survint la révolution de février. Le soumissionnaire de l’emprunt était donc libre d’engagements jusqu’au 6 juillet 1848 : mais à cette date, il devait verser au Trésor un peu plus de 5 millions, puis 10 millions de mois en mois jusqu’au 7 novembre 1849. Or, au 7 juillet 1848, le cours de la rente 3 0/0 était à 50 fr. 73. S’il ne se relevait pas, et si le soumissionnaire était forcé de réaliser, il avait en perspective une perte de plus de 60 millions, sur les 165 qui restaient à verser, ou l’abandon de son cautionnement de 25 millions. Le danger était d’autant plus grand pour lui, que le Trésor pouvait sans peine faire face à ses besoins, au moyen du crédit de 100 millions que lui avait ouvert la Banque de France, et du produit de l’impôt extraordinaire des 15 centimes.

« Heureusement pour le soumissionnaire de l’emprunt de novembre 1847, il trouva dans la personne de M. Goudchaux un ministre accommodant, qui consentit à le relever de ses engagements et à lui faire donner par l’État 13 millions de rentes 5 0/0, au taux même auquel il avait soumissionné la rente 3 0/0 en 1847. En admettant que les cours restassent, jusqu’à l’expiration des nouveaux engagements, à 77 fr. 25 c, taux du 24 juillet, jour où ils furent souscrits, le soumissionnaire, exposé la veille a une perte de 25 millions, avait le lendemain en perspective un bénéfice d’environ 11 millions, outre la chance presque certaine de voir les cours se relever.

« Telles sont les éventualités auxquelles les soumissions d’emprunt peuvent donner ouverture. Il a tenu à la volonté d’un mi-