Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/227

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rables et des travaux de plusieurs années, comme les chemins de fer, payent aux commanditaires des intérêts à partir des versements. Or, tant que l’exploitation n’a pas produit de bénéfices, ces intérêts ne peuvent être pris que sur le capital.

Des jurisconsultes ont vu là une illégalité : « Il est dérisoire, ont-ils dit, qu’un associé donne d’une main et reprenne de l’autre ; c’est un détournement préjudiciable aux tiers ; en réalité, l’actionnaire ne verse pas ce à quoi il s’est engagé ; conventions contraires à l’article 1845 du Code civil, suivant lequel chaque associé est tenu de tout l’apport par lui promis ; contraires à l’article 26 du Code de commerce, qui déclare les bailleurs de fonds responsables jusqu’à concurrence de leur mise. »

Ç’a été la doctrine du conseil d’État, et elle est de tous points conforme au droit écrit.

Cependant le moyen d’attirer les capitalistes, en ce temps surtout où chacun vit au jour le jour et se montre pressé de réaliser ? le moyen d’amener le rentier qui a besoin de ses annuités pour vivre, quand il s’agit de renoncer à ses arrérages pendant cinq à dix ans ? Aussi le gouvernement a-t-il passé outre aux scrupules des légistes, et n’a-t-il fait aucune difficulté d’autoriser de pareilles stipulations.

Ne nous plaignons pas de l’insuffisance de la loi : elle saura se plier aux exigences.

Quoi qu’il en soit, comme il faut une sanction, une existence légale à toute société, nulle association ne peut se constituer en dehors des données du Code. Voyons ce qu’il dit à ce sujet.

La loi reconnaît deux genres de sociétés : la société civile et la société commerciale. Elle ne dit rien de leurs caractères distinctifs, de leur différence, du moyen de les reconnaître. Elle se borne à cette définition générale :

« La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personncs conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. » (Art. 1832, Code civil.)