Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/32

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tion spéculative, l’agio pour l’agio enfin, il rentre dans la catégorie du pari et du jeu, pour ne pas dire de l’escroquerie et du vol : il est illicite et immoral. La Spéculation ainsi entendue n’est plus que l’art, toujours chanceux cependant, de s’enrichir sans travail, sans capital, sans commerce et sans génie ; le secret de s’approprier la fortune publique ou celle des particuliers sans donner aucun équivalent en échange : c’est le chancre de la production, la peste des sociétés et des États.

Faisons-la connaître par quelques exemples.

Le jeu et le pari sont la forme la plus simple de la Spéculation agioteuse entièrement dépourvue de productivité et d’utilité, mais non encore tout à fait criminelle. Un certain nombre de personnes se réunissent dans un salon, autour d’une table, entassent sur le tapis de l’or et des bank notes, parient pour la rouge ou la noire, ou mettent leurs enjeux sur un coup de dés, sur un coup de cartes. Le hasard, aveugle ou intelligent, caresse celui-ci, maltraite celui-là. L’un s’en va ruiné, l’autre se retire avec un léger bénéfice, un troisième a fait fortune. Qu’ont-ils produit tous ? Nous supposons que la partie s’est jouée le plus loyalement du monde : qu’ont-ils fait produire à leurs capitaux, à leur intelligence ? Quelle valeur ont-ils conquise ? Absolument aucune. Des millions amont pu être jetés sur le tapis, sans qu’ils aient produit la moindre utilité nouvelle : tout au plus auront-ils changé de propriétaire.

Des amateurs de l’espèce chevaline élèvent, à grands frais, des étalons et des juments pour les courses. Le prix d’entrée pour courir est de 1,000 fr. Ce luxe peut avoir son utilité pour l’amélioration de l’espèce, qui est une partie de la richesse nationale. Mais les paris qui s’engagent, en dehors du cercle des éleveurs, entre les spectateurs désintéressés, à quoi servent-ils ? Jeu pur, qui n’a d’autre effet que de distraire l’intelligence des parieurs, et qui, s’il se propageait dans la nation, entraînerait dans la production un déficit notable.

Un individu, qui n’est ni industriel, ni commerçant, qui se garderait fort d’aucune entreprise sérieuse, parie que le