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Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/324

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être nul, comme nous l’avons dit précédemment à l’occasion des canaux. Les trains de plaisir à 8 dixièmes de centime par tête et kilomètre sont une gracieuseté des Compagnies, qui prouve ce que pourrait être la richesse du pays et l’aisance des masses, si la loi du meilleur marché était suivie dans toutes les circonstances qui en sont susceptibles. C’est un progrès réservé à nos descendants.

Les fusions dont nous sommes témoins depuis quelques années ne sont pas autre chose qu’une assurance mutuelle entre les grandes Compagnies, pour le maintien des tarifs à un taux qui leur garantisse le maximum de produit net. Sans doute le gouvernement s’est réservé un droit de modification. Mais devant la résistance des financiers que ferait-il ? En appellerait-il à la force ? La féodalité capitaliste peut mettre sur pied une armée autrement formidable que le pouvoir : rien que sa retraite amènerait une révolution.

Une question qui préoccupe vivement le monde commercial depuis quelque temps, celle des tarifs différentiels, est une preuve de l’impuissance de l’État et des prescriptions légales quand il plaît aux grandes Compagnies de se mettre au-dessus de la loi.

« La perception des taxes, disent les cahiers des charges, aura lieu par kilomètre et par tonne. Elle se fera indistinctement et sans aucune faveur.

« Dans le cas où une Compagnie aurait accordé à un ou plusieurs expéditeurs une réduction sur l’un des prix portés au tarif, avant de le mettre à exécution, elle devra en donner connaissance à l’administration, et celle-ci aura le droit de déclarer la réduction, une fois consentie, obligatoire vis-à-vis de tous les expéditeurs, et applicable à tous les articles de même nature. »

Malgré des prescriptions aussi formelles, les Compagnies accordent aux expéditeurs qui peuvent leur assurer un fort tonnage des réductions considérables. C’est ainsi qu’un constructeur de navires, M. Vasse, payait, pour transport de ses bois de Rouen au Havre, 10 fr. 40 c. par tonne, tandis que M. Normand, pour les mêmes transports, avait obtenu un tarif réduit de 4 fr. 55 c.

De pareilles faveurs ne tendent à rien de moins qu’à ruiner la petite et moyenne industrie au profit de la grande ; à