Le sacrifice de la production indigène à l’étranger, du petit commerce aux gros monopoles, de la nation à une poignée d’accapareurs, s’appelle, dans certain jargon économique, la liberté des transactions. Il nous faut arracher ce masque à l’hypocrisie et à la sottise.
« À l’exception de la ligne de Lyon et de celle du Nord, dit le Journal des Chemins de fer, toutes les autres doivent la plus grande partie de leur dividende à la subvention qu’elles ont reçue de l’État (et des localités). Sans cette subvention, le revenu moyen, qui sera cette année d’environ 15 0/0, ne dépasserait guère 6 à 7 ; il resterait même inférieur à 5 pour la ligne qui a les plus belles espérances au point de vue financier, celle de la Méditerranée. »
Voyons un peu quelle est la part contributive des Compagnies dans ces vastes monopoles qu’elles considèrent comme leur propriété intégrale.
Les fonds engagés dans les chemins de fer s’élèvent, d’après le Rapport du ministre des travaux publics, du 30 novembre 1856, à 9,080,494,973 fr. Ils proviennent de trois sources : 1° les actions ; 2° les obligations ; 3° les subventions de l’État, des départements et des communes.
Les actions ont droit à l’intérêt, au dividende et à l’amortissement ; les obligations reçoivent un intérêt fixe et le remboursement augmenté d’une prime ; l’État ne touche ni amortissement, ni intérêt. Outre les charges qui lui incombent, il assure encore à la plupart des Compagnies une garantie d’intérêt de 4 0/0 pendant 50 ans.
Le capital d’actions est à peu près définitivement fixé ; mais celui des obligations varie tous les jours par de nouvelles émissions ; dans quelques années il sera double du premier.
Eh bien ! les actionnaires, qui n’ont contribué que pour un tiers à l’établissement des chemins de fer, ont seuls droit d’assister à l’assemblée, de disposer de la propriété collective comme s’ils en avaient fait tous les frais. Ou plutôt l’actionnaire lui-même n’est qu’une fiction. Jamais assemblée n’a improuvé des comptes ou refusé de voter les propositions du conseil d’administration. Qui reste donc propriétaire souverain, souverain arbitre des tarifs, des transports,