Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/490

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en plus inextricables dans lesquelles se trouve engagé le gouvernement.

Le peuple n’entend rien aux affaires. Il n’a aucune idée des principes de l’économie, des lois de l’échange, du crédit. Il ne comprend pas mieux la responsabilité que la tenue des livres : dans tout cet organisme qui fait le sujet des méditations du siècle, il est plus disposé à voir un dédale où ses intérêts sont sacrifiés à l’habileté bourgeoise qu’un système de garanties à la fois égalitaires et libérales. Il trouve donc plus simple de bloquer tout en une communauté gouvernementale, que de chercher dans une constitution savante l’accord de la liberté et du droit.

C’est ce que n’ont cessé de lui prêcher, depuis vingt-cinq ans, d’absurdes rhéteurs ; ce qu’il entend glorifier tous les jours, en politique, par la démocratie unitaire ; ce dont il admire d’ailleurs le succès, dans les coalitions, fusions et exploitations industrielles dont il porte le fardeau. Comment lui prouver qu’un principe, si fécond pour le privilége, entre les mains du travail et généralisé, ne peut donner que du déficit ?

Le peuple se méfie de la classe moyenne.

Après la révolution de juillet, où l’on avait vu les patrons servir de capitaines et les ouvriers de soldats, il semblait que les deux divisions du monde travailleur dussent être unies à jamais dans la communauté de leurs intérêts et de leurs espérances. Mais cette union si belle fut bientôt trompée, et un germe de discorde jeté dans le pays par la politique égoïste, corruptrice et déloyale de Louis-Philippe et de son dernier ministère. Deux journaux, tous les deux républicains, révolutionnaires tous les deux, exprimèrent cet antagonisme funeste, le National et la Réforme. Un moment, en février, les deux classes, victorieuses l’une par l’autre, parurent réconciliées : mais bientôt la question du travail, aussi mal posée que peu comprise, vint les séparer en camps hostiles, et ajourner à des temps inconnus leur mutuelle émancipation.

Ce que la nécessité a voulu joindre, dit le Sage, que l’homme ne cherche point à le séparer : Quod Deus junxit,