Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/144

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en d’autres termes, que la demande du vendeur est balancée par le droit de l’acheteur.

Mademoiselle Rachel, dit-on, procure au Théâtre-Français pour plus de 60,000 fr. de recettes. J’en demeure d’accord : mais alors je prends le théâtre à partie : sur qui le Théâtre-Français lève-t-il cet impôt ? – Sur des curieux parfaitement libres. – Oui, mais les ouvriers, les locataires, fermiers, emprunteurs à rente et sur gage, auxquels ces curieux reprennent tout ce qu’ils payent à la comédie, sont-ils libres ? et lorsque la meilleure part de leur produit se consomme sans eux au spectacle, m’assurerez-vous que leurs familles ne manquent de rien ? Jusqu’à ce que le peuple français, délibérant sur les traitements à accorder à tous les artistes, savants et fonctionnaires publics, ait nettement exprimé sa volonté et jugé en connaissance de cause, les appointements de mademoiselle Rachel et de tous ses pareils seront une contribution forcée, arrachée par la violence, pour récompenser l’orgueil et entretenir le libertinage.

C’est parce que nous ne sommes ni libres, ni suffisamment éclairés, que nous subissons des marchés de dupes, que le travailleur acquitte les traites que le prestige du pouvoir et l’égoïsme du talent tirent sur la curiosité de l’oisif, et que nous avons le perpétuel scandale de ces inégalités monstrueuses, encouragées et applaudies par l’opinion.

La nation entière, et la nation seule, paye ses auteurs, ses savants, ses artistes, ses fonctionnaires, quelles que soient les mains par lesquelles leurs appointements leur arrivent. Sur quel pied doit-elle les payer ? sur le pied de l’égalité. Je l’ai prouvé par l’appréciation des talents ; je le confirmerai, dans le chapitre suivant, par l’impossibilité de toute inégalité sociale.

Qu’avons-nous démontré par tout ce qui précède ? des choses si simples, que vraiment elles en sont bêtes :

Que, comme le voyageur ne s’approprie pas la grande route sur laquelle il passe, de même le laboureur ne s’approprie pas le champ sur lequel il sème ;

Que si, néanmoins, par le fait de son industrie, un tra-