Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/216

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catégorique de la raison pratique, lequel a sa source dans les idées de la raison pure ; c’est une attraction passionnelle, etc., etc. Tout cela peut être vrai autant qu’il semble beau ; mais tout cela est parfaitement insignifiant. Quand on prolongerait cette kyrielle pendant dix pages (on l’a délayée dans mille volumes), la question n’avancerait pas d’une ligne.

La justice est l’utilité commune, dit Aristote ; cela est vrai, mais c’est une tautologie. « Le principe que le bonheur public doit être l’objet du législateur, dit M. Ch. Comte, Traité de législation, ne saurait être combattu par aucune bonne raison ; mais lorsqu’on l’a énoncé et démontré, on n’a pas fait faire à la législation plus de progrès qu’on n’en ferait faire à la médecine, en disant que la guérison des malades doit être l’objet des médecins. »

Prenons une autre route. Le droit est l’ensemble des principes qui régissent la société ; la justice, dans l’homme, est le respect et l’observation de ces principes. Pratiquer la justice, c’est obéir à l’instinct social ; faire un acte de justice, c’est faire un acte de société. Si donc nous observons la conduite des hommes entre eux dans un certain nombre de circonstances différentes, il nous sera facile de reconnaître quand ils font société et quand ils ne font pas société ; le résultat nous donnera, par induction, la loi.

Commençons par les cas les plus simples et les moins douteux.

La mère qui défend son fils au péril de sa vie, et se prive de tout pour le nourrir, fait société avec lui ; c’est une bonne mère : celle au contraire qui abandonne son enfant est infidèle à l’instinct social, dont l’amour maternel est une des formes nombreuses ; c’est une mère dénaturée.

Si je me jette à la nage pour retirer un homme en danger de périr, je suis son frère, son associé ; si au lieu de le secourir je l’enfonce, je suis son ennemi, son assassin.

Quiconque fait l’aumône, traite l’indigent comme son associé, non, il est vrai, comme son associé en tout et pour tout, mais comme son associé pour la quantité de bien qu’il partage avec lui ; quiconque ravit par la force ou par