Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

adresse ce qu’il n’a pas produit, détruit en soi-même la sociabilité, c’est un brigand.

Le samaritain qui relève le voyageur étendu dans le chemin, qui panse ses blessures, le réconforte et lui donne de l’argent, se déclare son associé, son prochain ; le prêtre qui passe auprès du même voyageur sans se détourner, reste à son égard inassocié, ennemi.

Dans tous ces cas, l’homme est mû par un attrait intérieur pour son semblable, par une secrète sympathie, qui le fait aimer, conjouir et condouloir : en sorte que, pour résister à cet attrait, il faut un effort de la volonté contre la nature.

Mais tout cela n’établit aucune différence tranchée entre l’homme et les animaux. Chez eux, tant que la faiblesse des petits les rend chers à leurs mères, en un mot les leur associe, on voit celles-ci les défendre au péril de leurs jours avec un courage qui rappelle nos héros mourant pour la patrie. Certaines espèces se réunissent pour la chasse, se cherchent, s’appellent, un poète dirait, s’invitent à partager une proie ; dans le danger on les voit se porter secours, se défendre, s’avertir ; l’éléphant sait aider son compagnon à sortir de la fosse où celui-ci est tombé ; les vaches se forment en cercle, les cornes en dehors, leurs veaux placés au milieu d’elles, pour repousser les attaques des loups ; les chevaux et les porcs accourent au cri de détresse poussé par l’un d’eux. Quelles descriptions je ferais de leurs mariages, de la tendresse des mâles pour leurs femelles, et de la fidélité de leurs amours ! Ajoutons cependant, pour être juste en tout, que ces démonstrations si touchantes de société, de fraternité, d’amour du prochain, n’empêchent pas les animaux de se quereller, de se battre et de se déchirer à belles dents pour leur nourriture et leurs galanteries ; la ressemblance entre eux et nous est parfaite.

L’instinct social, dans l’homme et dans la bête, existe du plus au moins : sa nature est la même. L’homme est plus nécessairement, plus constamment associé ; l’animal paraît plus robuste contre la solitude. Dans l’homme, les besoins de société sont plus impérieux, plus complexes ; dans