Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/96

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qui peuvent ou ne peuvent pas être appropriées ; à cet égard, économistes et jurisconsultes font assaut de niaiserie. Le Code civil, après avoir donné la définition de la propriété, se tait sur les choses susceptibles ou non susceptibles d’appropriation, et s’il parle de celles qui sont dans le commerce, c’est toujours sans rien déterminer et sans rien définir. Pourtant les lumières n’ont pas manqué ; ce sont des maximes triviales que celles-ci : Ad reges potestas omnium pertinet, ad singulos proprietas ; Omnia rex imperio possidet, singuli dominio. La souveraineté sociale opposée à la propriété individuelle ! ne dirait-on pas une prophétie de légalité, un oracle républicain ? Les exemples mêmes se présentaient en foule ; autrefois les biens de l’église, les domaines de la couronne, les fiefs de la noblesse, étaient inaliénables et imprescriptibles. Si, au lieu d’abolir ce privilége, la Constituante l’avait étendu à chaque citoyen ; si elle avait déclaré que le droit au travail, de même que la liberté, ne peut jamais se perdre, dès ce moment la révolution était consommée, nous n’aurions plus à faire qu’un travail de perfectionnement.


§ 2. Le consentement universel ne justifie pas la propriété.


Dans le texte de Say, rapporté plus haut, on n’aperçoit pas clairement si cet auteur fait dépendre le droit de propriété de la qualité non fugitive du sol, ou du consentement qu’il prétend avoir été donné par tous les hommes à cette appropriation. Telle est la construction de sa phrase, qu’elle présente également l’un ou l’autre sens, ou même tous les deux à la fois ; en sorte qu’on pourrait soutenir que l’auteur a voulu dire : Le droit de propriété résultant primitivement de l’exercice de la volonté, la fixité du sol lui donna occasion de s’appliquer à la terre, et le consentement universel a depuis sanctionné cette application.

Quoi qu’il en soit, les hommes pouvaient-ils légitimer la propriété par leur mutuel acquiescement ? Je le nie. Un tel contrat eût-il pour rédacteurs Grotius, Montesquieu et J.-J.