Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/137

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il est évident que la solidarité n’ajouterait pas une obole à la richesse commune, partant, qu’elle ne touche même pas le problème de la division.

Somme toute, le bénéfice tant envié, et souvent très-problématique des maîtres, est loin de couvrir la différence des salaires effectifs aux salaires demandés ; et l’ancien projet de M. Blanqui, misérable dans ses résultats, et désavoué par son auteur, serait pour l’industrie manufacturière un fléau. Or, la division du travail étant désormais établie partout, le raisonnement se généralise, et nous avons pour conclusion que la misère est un effet du travail, aussi bien que de la paresse.

On dit à cela, et cet argument est en grande faveur parmi le peuple : augmentez le prix des services, doublez, triplez le salaire.

J’avoue que si cette augmentation était possible, elle obtiendrait un plein succès, quoi qu’en ait dit M. Chevalier, à qui je dois sur ce point un petit redressement.

D’après M. Chevalier, si l’on augmentait le prix d’une marchandise quelconque, les autres marchandises s’augmenteraient dans la même proportion, et il n’en résulterait aucun avantage pour personne.

Ce raisonnement, que les économistes se repassent depuis plus d’un siècle, est aussi faux qu’il est vieux, et il appartenait à M. Chevalier, en sa qualité d’ingénieur, de redresser la tradition économique. Les appointements d’un chef de bureau étant par jour de 10 fr., et le salaire d’un ouvrier de 4 : si le revenu est augmenté pour chacun de 5 fr., le rapport des fortunes qui, dans le premier cas, était comme 100 est à 40, ne sera plus dans le second que comme 100 est à 60. L’augmentation des salaires s’effectuant nécessairement par addition et non par quotient, serait donc un excellent moyen de nivellement ; et les économistes mériteraient que les socialistes leur renvoyassent le reproche d’ignorance, dont ils sont par eux gratifiés à tort et à travers.

Mais je dis qu’une pareille augmentation est impossible, et que la supposition en est absurde : car, comme l’a très-bien vu d’ailleurs M. Chevalier, le chiffre qui indique le prix de la journée du travail n’est qu’un exposant algébrique