sans influence sur la réalité ; et ce qu’il faut avant tout songer à accroître, tout en rectifiant les inégalités de distribution, ce n’est pas l’expression monétaire, c’est la quantité des produits. Jusque-là, tout mouvement de hausse dans les salaires ne peut avoir d’autre effet que celui d’une hausse sur le blé, le vin, la viande, le sucre, le savon, la houille, etc., c’est-à-dire l’effet d’une disette. Car qu’est-ce que le salaire ? C’est le prix de revient du blé, du vin, de la viande, de la houille ; c’est le prix intégrant de toutes choses. Allons plus avant encore : le salaire est la proportionnalité des éléments qui composent la richesse, et qui sont consommés chaque jour reproductivement par la masse des travailleurs. Or, doubler le salaire, au sens où le peuple l’entend, c’est attribuer à chacun des producteurs une part plus grande que son produit, ce qui est contradictoire ; et si la hausse ne porte que sur un petit nombre d’industries, c’est provoquer une perturbation générale dans les échanges, en un mot, une disette. Dieu me garde des prédictions ! mais malgré toute ma sympathie pour l’amélioration du sort de la classe ouvrière, il est impossible, je le déclare, que les grèves suivies d’augmentation de salaire n’aboutissent pas à un renchérissement général : cela est aussi certain que deux et deux font quatre. Ce n’est point par de semblables recettes que les ouvriers arriveront à la richesse, et, ce qui est mille fois plus précieux encore que la richesse, à la liberté. Les ouvriers, appuyés par la faveur d’une presse imprudente, en exigeant une augmentation de salaire, ont servi le monopole bien plus que leur véritable intérêt : puissent-ils reconnaître, quand le malaise reviendra pour eux plus cuisant, le fruit amer de leur inexpérience !
Convaincu de l’inutilité, ou pour mieux dire des funestes effets de l’augmentation des salaires, et sentant bien que la question est toute organique et nullement commerciale, M. Chevalier prend le problème à rebours. Il demande pour la classe ouvrière, avant tout, l’instruction, et il propose dans ce sens de larges réformes.
L’instruction ! c’est aussi le mot de M. Arago aux ouvriers, c’est le principe de tout progrès. L’instruction !… Il faut savoir une fois pour toutes ce que nous pouvons en attendre