Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

population du globe ayant doublé, la clientèle de l’Angleterre quadruplé, de nouvelles machines étant construites, les manufacturiers anglais reprennent leurs ouvriers ? Les économistes entendent-ils se prévaloir, en faveur des machines, de l’accroissement de population ? Qu’ils renoncent alors à la théorie de Malthus, et cessent de déclamer contre la fécondité excessive des mariages.

« On ne s’arrêta pas là : bientôt une nouvelle amélioration mécanique permit de faire faire par un seul ouvrier l’ouvrage qui en occupait quatre autrefois. » — Nouvelle réduction de trois quarts sur la main-d’œuvre : en tout réduction de quinze seizièmes sur le travail d’homme.

» Un fabricant de Bolton écrit : l’allongement des chariots de nos métiers nous permet de n’employer que vingt-six fileurs là où nous en employions trente-cinq en 1837. » — Autre décimation des travailleurs : sur quatre il y a une victime.

Ces faits sont extraits de la Revue Économique de 1842 ; et il n’est personne qui ne puisse en indiquer d’analogues. J’ai assisté à l’introduction des mécaniques à imprimer, et je puis dire que j’ai vu de mes yeux le mal qu’en ont souffert les imprimeurs. Depuis quinze ou vingt ans que les mécaniques se sont établies, une partie des ouvriers s’est reportée sur la composition, d’autres ont quitté leur état, plusieurs sont morts de misère : c’est ainsi que s’opère la réfusion des travailleurs à la suite des innovations industrielles. — Il y a vingt ans, quatre-vingts équipages à chevaux faisaient le service de navigation de Beaucaire à Lyon ; tout cela a disparu devant une vingtaine de paquebots à vapeur. Assurément le commerce y a gagné ; mais cette population marinière, qu’est-elle devenue ? s’est-elle transposée des bateaux dans les paquebots ? Non : elle est allée où vont toutes les industries déclassées, elle s’est évanouie.

Au reste, les documents suivants, que j’extrais de la même source, donneront une idée plus positive de l’influence des perfectionnements industriels sur le sort des ouvriers.

« La moyenne des salaires par semaine, à Manchester, est 12 fr. 50 c. (10 schellings). Sur 450 ouvriers, il n’y en a pas quarante qui gagnent 25 fr. » — L’auteur de l’article