Tous ces faits sont parfaitement vrais, et la conséquence qu’on en tire en faveur des machines, on ne peut plus exacte : c’est qu’en effet elles ont imprimé au bien-être général une impulsion puissante. Mais les faits que nous allons faire suivre ne sont pas moins authentiques, et la conséquence qui en sortira contre les machines ne sera pas moins juste, savoir, qu’elles sont une cause incessante de paupérisme. J’en appelle aux chiffres de M. Fix, lui-même.
Sur 320.000 ouvriers et 80.000 domestiques résidant à Paris, il y a 230.000 des premiers et 46.000 des seconds, total, 276.000, qui ne mettent pas aux caisses d’épargne. On n’oserait prétendre que ce sont 276.000 dissipateurs et vauriens qui s’exposent à la misère volontairement. Or, comme parmi ceux-là même qui font des économies, il se trouve de pauvres et médiocres sujets pour qui la caisse d’épargne n’est qu’un répit dans le libertinage et la misère, concluons que sur tous les individus vivant de leur travail, près des trois quarts, ou sont imprévoyants, paresseux et débauchés, puisqu’ils ne mettent pas à la caisse d’épargne, ou qu’ils sont trop pauvres pour réaliser des économies. Il n’y a pas d’autre alternative. Mais, à défaut de charité, le sens commun ne permet pas d’accuser en masse la classe travailleuse : force est donc de rejeter la faute sur notre régime économique. Comment M. Fix n’a-t-il pas vu que ses chiffres s’accusaient eux-mêmes ?
On espère qu’avec le temps, tous, ou presque tous les travailleurs mettront aux caisses d’épargne. Sans attendre le témoignage de l’avenir, nous pouvons vérifier sur-le-champ si cet espoir est fondé.
D’après le témoignage de M. Vée, maire du 5e arrondissement de Paris, « le nombre des ménages indigents inscrits sur les contrôles des bureaux de bienfaisance est de 30.000, ce qui donne 65.000 individus. » Le recensement fait au commencement de 1846, a donné 88.474. — Et les ménages pauvres, mais non inscrits, combien sont-ils ? autant. Mettons donc 180.000 pauvres non douteux, quoique non officiels, et tous ceux qui vivent dans la gêne, même avec les dehors de l’aisance, combien encore ? deux fois autant : total, 360.000 personnes, à Paris, dans le malaise.