Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vail que donne le même nombre d’ouvriers, lorsque le travail n’est pas divisé.

Saisissant le fil de cette idée, il se dit qu’en formant un groupe permanent de travailleurs assortis pour l’objet spécial qu’il se propose, il obtiendra une production plus soutenue, plus abondante, et à moins de frais. Il n’est pas indispensable, au reste, que les ouvriers soient rassemblés dans le même local : l’existence de l’atelier ne tient pas essentiellement à ce contact. Elle résulte du rapport et de la proportion des travaux différents, et de la pensée commune qui les dirige. En un mot, la réunion au même lieu peut offrir ses avantages, lesquels ne devront point être négligés : mais ce n’est pas ce qui constitue l’atelier.

Voici donc la proposition que fait le spéculateur à ceux qu’il désire faire collaborer avec lui : Je vous garantis à perpétuité le placement de vos produits, si vous voulez m’accepter pour acheteur ou pour intermédiaire. Le marché est si évidemment avantageux, que la proposition ne peut manquer d’être agréée. L’ouvrier y trouve continuité de travail, prix fixe et sécurité ; de son côté l’entrepreneur aura plus de facilité pour la vente, puisque, produisant à meilleur compte, il peut lever la main sur le prix ; enfin ses bénéfices seront plus considérables à cause de la masse des placements. Il n’y aura pas jusqu’au public et au magistrat qui ne félicitent l’entrepreneur d’avoir accru la richesse sociale par ses combinaisons, et qui ne lui votent une récompense.

Mais, d’abord, qui dit réduction de frais, dit réduction de services, non pas, il est vrai, dans le nouvel atelier, mais pour les ouvriers de même profession restés en dehors, comme aussi pour beaucoup d’autres dont les services accessoires seront à l’avenir moins demandés. Donc, toute formation d’atelier correspond à une éviction de travailleurs : cette assertion, toute contradictoire qu’elle paraisse, est aussi vraie de l’atelier que d’une machine.

Les économistes en conviennent : mais ils répètent ici leur éternelle oraison, qu’après un laps de temps la demande du produit ayant augmenté en raison de la réduction du prix, le travail finira par être à son tour plus demandé qu’auparavant. Sans doute, avec le temps, l’équilibre se rétablira ;