Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/199

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une pure fiction dont l’avantage reste à celle des parties dont la navigation coûte moins cher. Or, comme en France les éléments de la navigation, tels que l’achat du navire, les salaires des équipages, les frais d’armement et d’avitaillement, s’élèvent à un taux excessif et supérieur à celui des autres nations maritimes, il s’ensuit que tout traité de réciprocité équivaut pour nous à un traité d’abdication, et qu’au lieu de consentir à un acte de convenance mutuelle, nous nous résignons sciemment ou involontairement à un sacrifice. » — Ici, M. Reybaud fait ressortir les conséquences désastreuses de la réciprocité : « La France consomme 500,000 balles de coton, et ce sont les Américains qui les amènent sur nos quais ; elle emploie d’énormes quantités de houille, et ce sont les Anglais qui en opèrent le transport ; les Suédois et les Norwégiens nous livrent eux-mêmes leurs fers et leurs bois ; les Hollandais, leurs fromages ; les Russes, leurs chanvres et leurs blés ; les Génois, leurs riz ; les Espagnols, leurs huiles ; les Siciliens, leurs soufres ; les Grecs et les Arméniens, toutes les denrées de la Méditerranée et de la Mer Noire. »

Évidemment, un tel état de choses est intolérable, car il aboutit à rendre notre marine marchande inutile. Hâtons-nous donc de rentrer dans l’atelier maritime, d’où le bas prix de la navigation étrangère tend à nous exclure. Fermons nos ports aux bâtiments étrangers, ou tout au moins, frappons-les d’une forte taxe. Donc, à bas la concurrence et les marines rivales !

M. Reybaud commence-t-il à comprendre que ses oscillations économico-socialistes sont beaucoup plus innocentes qu’il n’aurait cru ? Quelle reconnaissance il me devra, pour avoir tranquillisé sa conscience, peut-être alarmée !

La réciprocité dont se plaint si amèrement M. Reybaud n’est qu’une forme de la liberté commerciale. Rendez la liberté des transactions pleine et entière, et notre pavillon est chassé de la surface des mers, comme nos huiles le seraient du continent. Donc, nous payerons plus cher notre huile si nous persistons à la fabriquer nous-mêmes, plus cher nos denrées coloniales, si nous voulons en faire la voiture. Pour arriver au meilleur marché, il faudrait, après avoir renoncé