Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/200

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à nos huiles, renoncer à notre marine : autant vaudrait renoncer tout de suite à nos draps, à nos toiles, à nos indiennes, à nos fers ; puis, comme une industrie isolée coûte nécessairement encore trop cher, renoncer à nos vins, à nos blés, à nos fourrages ! Quelque parti que vous choisissiez, le privilège ou la liberté, vous arrivez à l’impossible, à l’absurde.

Sans doute il existe un principe d’accommodement ; mais à moins d’être du plus parfait despotisme, ce principe doit dériver d’une loi supérieure à la liberté elle-même : or, c’est cette loi que nul encore n’a définie, et que je demande aux économistes, si véritablement ils ont la science. Car je ne puis réputer savant tel qui, de la meilleure foi et avec tout l’esprit du monde, prêche tour à tour, à quinze lignes de distance, la liberté et le monopole.

N’est-il pas évident, d’une évidence immédiate et intuitive, que la concurrence détruit la concurrence ? Est-il dans la géométrie un théorème plus certain, plus péremptoire que celui-là ? Comment donc, à quelles conditions, en quel sens, un principe qui est la négation de lui-même, peut-il entrer dans la science ? comment peut-il devenir une loi organique de la société ? Si la concurrence est nécessaire, si, comme dit l’école, elle est un postulé de la production, comment devient-elle si dévastatrice ? Et si son effet le plus certain est de perdre ceux qu’elle entraîne, comment devient-elle utile ? Car les inconvénients qui marchent à sa suite, de même que le bien qu’elle procure, ne sont pas des accidents provenant du fait de l’homme : ils découlent logiquement, les uns et les autres, du principe, et subsistent au même titre et face à face…

Et d’abord, la concurrence est aussi essentielle au travail que la division, puisqu’elle est la division elle-même revenue sous une autre forme, ou plutôt élevée à sa deuxième puissance ; la division, dis-je, non plus comme à la première époque des évolutions économiques, adéquate à la force collective, par conséquent absorbant la personnalité du travailleur dans l’atelier, mais donnant naissance à la liberté, en faisant de chaque subdivision du travail comme une souveraineté où l’homme se pose dans sa force et son indépendance. La concurrence, en un mot, c’est la liberté dans la division et dans toutes les parties divisées : commençant aux