Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/222

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l’humanité passe sans cesse du pire au moins mal, et du bien au mieux ? Car enfin ce principe secret d’amélioration ne peut être ni la concurrence, ni les machines, ni la division du travail, ni l’offre et la demande : tous ces principes ne sont que les leviers qui, tour à tour, font osciller la valeur, ainsi que l’a très-bien compris l’Académie des sciences morales. Quelle est donc la loi souveraine du bien-être ? quelle est cette règle, cette mesure, ce critérium du progrès, dont la violation est la cause perpétuelle de la misère ? Parlez, et ne pérorez plus.

La richesse est mieux répartie, dites-vous. Voyons vos preuves.

M. Dunoyer :

« D’après des documents officiels, il n’existe guère moins de onze millions de cotes foncières. On estime à six millions le nombre des propriétaires par qui ces cotes sont payées ; de sorte que, à quatre individus par famille, il n’y aurait pas moins de vingt-quatre millions d’habitants sur trente-quatre qui participeraient à la propriété du sol. »

Donc, selon le chiffre le plus favorable, il y aurait en France dix millions de prolétaires, près du tiers de la population. Hé ! qu’en dites-vous ? Ajoutez à ces dix millions la moitié des vingt-quatre autres pour qui la propriété grevée d’hypothèques, morcelée, appauvrie, déplorable, ne vaut pas un métier ; et vous n’aurez pas encore le chiffre des individus qui vivent à titre précaire.

« Le nombre des 24 millions de propriétaires tend sensiblement à s’accroître. »

Je soutiens, moi, qu’il tend sensiblement à décroître. Quel est le vrai propriétaire, à votre avis, du détenteur nominal, imposé, taxé, gagé, hypothéqué, ou du créancier qui perçoit le revenu ? Les prêteurs juifs et Bâlois sont aujourd’hui les vrais propriétaires de l’Alsace ; et ce qui prouve l’excellent jugement de ces prêteurs, c’est qu’ils ne songent point à acquérir, ils préfèrent placer leurs capitaux.

« Aux propriétaires fonciers, il faut ajouter environ 1,500,000 patentés, soit à quatre personnes par famille, six millions d’individus intéressés comme chefs à des entreprises industrielles. »