également contradiction. Mais il n’est pas moins certain aussi que l’absolu nous est complétement inaccessible, que nous ne le connaissons que par ses termes opposés, qui seuls tombent sous notre empirisme ; et que, si l’unité seule peut obtenir notre foi, la dualité est la première condition de la science.
Ainsi, qui pense, et qui est pensé ? Qu’est-ce qu’une âme, qu’est-ce qu’un corps ? Je défie d’échapper à ce dualisme. Il en est des essences comme des idées : les premières se montrent séparées dans la nature, comme les secondes dans l’entendement ; et de même que les idées de Dieu et d’immortalité de l’âme, malgré leur identité, se sont posées successivement et contradictoirement dans la philosophie, tout de même, malgré leur fusion dans l’absolu, le moi et le non-moi se posent séparément et contradictoirement dans la nature, et nous avons des êtres qui pensent, en même temps que d’autres qui ne pensent pas.
Or, quiconque a pris la peine d’y réfléchir sait aujourd’hui qu’une semblable distinction, toute réalisée qu’elle soit, est ce que la raison peut rencontrer de plus inintelligible, de plus contradictoire, de plus absurde. L’être ne se conçoit pas plus sans les propriétés de l’esprit que sans les propriétés de la matière : en sorte que si vous niez l’esprit, parce que, ne tombant sous aucune des catégories de temps, d’espace, de mouvement, de solidité, etc., il vous semble dépouillé de tous les attributs qui constituent le réel, je nierai à mon tour la matière, qui, ne m’offrant d’appréciable que sa passivité, d’intelligible que ses formes, ne se manifeste nulle part comme cause (volontaire et libre), et se dérobe entièrement comme substance : et nous arrivons à l’idéalisme pur, c’est-à-dire au néant. Mais le néant répugne à des je ne sais quoi qui vivent et qui raisonnent, réunissant en eux-mêmes, dans un état (je ne saurais dire lequel) de synthèse commencée ou de scission imminente, tous les attributs antagonistes de l’être. Force nous est donc de débuter par un dualisme dont nous savons parfaitement que les termes sont faux, mais qui, étant pour nous la condition du vrai, nous