oblige invinciblement ; force nous est, en un mot, de commencer avec Descartes et avec le genre humain par le moi, c’est-à-dire par l’esprit.
Mais depuis que les religions et les philosophies, dissoutes par l’analyse, sont venues se fondre dans la théorie de l’absolu, nous n’en savons pas mieux ce que c’est que l’esprit, et nous ne différons en cela des anciens que par la richesse de langage dont nous décorons l’obscurité qui nous assiége. Seulement, tandis que, pour les hommes d’autrefois, l’ordre accusait une intelligence hors du monde ; pour les modernes, il semble plutôt l’accuser dans le monde. Or, qu’on la place dedans ou dehors, dès l’instant qu’on l’affirme en vertu de l’ordre, il faut l’admettre partout où l’ordre se manifeste, ou ne l’accorder nulle part. Il n’y a pas plus de raison d’attribuer de l’intelligence à la tête qui produisit l’Iliade qu’à une masse de matière qui cristallise en octaèdres ; et réciproquement il est aussi absurde de rapporter le système du monde à des lois physiques, sans tenir compte du moi ordonnateur, que d’attribuer la victoire de Marengo à des combinaisons stratégiques, sans tenir compte du premier consul. Toute la différence qu’on pourrait faire est que, dans ce dernier cas, le moi pensant est localisé dans le cerveau de Bonaparte ; tandis que, par rapport à l’univers, le moi n’a pas de lieu spécial et se répand partout.
Les matérialistes ont cru avoir bon marché de l’opinion contraire, en disant que l’homme, ayant assimilé l’univers à son corps, acheva sa comparaison en prêtant à cet univers une âme semblable à celle qu’il supposait être le principe de sa vie et de sa pensée ; qu’ainsi tous les arguments de l’existence de Dieu se réduisaient à une analogie d’autant plus fausse que le terme de comparaison était lui-même hypothétique.
Assurément je ne viens pas défendre le vieux syllogisme : tout arrangement suppose une intelligence ordonnatrice ; or, il existe dans le monde un ordre admirable ; donc le monde est l’œuvre d’une intelligence. Ce syllogisme, tant rebattu depuis Job et Moïse, bien loin d’être une solution, n’est que