spontanées, de nier ses manifestations les plus authentiques, et, au lieu de généraliser le bien-être par le développement régulier des traditions, de déplacer le travail et le revenu ! Mais, en vérité, à quoi bon ces déguisements ? pourquoi tant de détours ? N’était-il pas plus simple d’adopter tout de suite la loi agraire ? Le pouvoir, en vertu de sa force d’initiative, ne pouvait-il d’emblée déclarer que tous les capitaux et instruments de travail étaient propriétés de l’État, sauf l’indemnité à accorder aux détenteurs par forme de transition ? Au moyen de cette mesure péremptoire, mais loyale et sincère, le champ économique était déblayé ; il n’en eût pas coûté davantage à l’utopie, et M. Blanc pouvait alors, sans nul empêchement, procéder à l’aise à l’organisation de la société ?
Mais que dis-je ? organiser ! Toute l’œuvre organique de M. Blanc consiste dans ce grand acte d’expropriation ou de substitution, comme on voudra : l’industrie une fois déplacée et républicanisée, le grand monopole constitué, M. Blanc ne doute point que la production n’aille à souhait ; il ne comprend pas qu’on élève contre ce qu’il appelle son système, une seule difficulté. Et de fait, qu’objecter à une conception aussi radicalement nulle, aussi insaisissable que celle de M. Blanc ? La partie la plus curieuse de son livre est dans le recueil choisi qu’il a fait d’objections proposées par quelques incrédules, et auxquelles il répond, on le devine, victorieusement. Ces critiques n’avaient pas vu qu’en discutant le système de M. Blanc, ils argumentaient sur les dimensions, la pesanteur et la figure d’un point mathématique. Or, il est arrivé que la controverse soutenue par M. Blanc lui en a plus appris que ses propres méditations n’avaient fait ; et l’on s’aperçoit que si les objections eussent continué, il eût fini par découvrir ce qu’il croyait avoir inventé, l’organisation du travail.
Mais enfin le but, si restreint d’ailleurs, que poursuivait M. Blanc, savoir l’abolition de la concurrence et la garantie de succès d’une entreprise patronée et commanditée par l’état, ce but a-t-il été atteint ? — Je citerai à ce sujet les réflexions d’un économiste de talent, M. Joseph Garnier, aux paroles duquel je me permettrai de joindre quelques commentaires.