Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/243

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du monopole que les magistrats s’appliquent ; c’est à le dénoncer que la nouvelle école d’économistes met sa gloire.

Nous montrerons que les soi-disant abus du monopole ne sont que les effets du développement, en sens négatif, du monopole légal ; qu’ils ne peuvent être séparés de leur principe, sans que ce principe soit ruiné ; conséquemment, qu’ils sont inaccessibles à la loi, et que toute répression à cet égard est arbitraire et injuste. De telle sorte que le monopole, principe constitutif de la société et condition de richesse, est en même temps et au même degré principe de spoliation et de paupérisme ; que plus on lui fait produire de bien, plus on en reçoit de mal ; que sans lui le progrès s’arrête, et qu’avec lui le travail s’immobilise et la civilisation s’évanouit.


§ I. — Nécessité du monopole.


Ainsi, le monopole est le terme fatal de la concurrence qui l’engendre par une négation incessante d’elle-même : cette génération du monopole en est déjà la justification. Car, puisque la concurrence est inhérente à la société comme le mouvement l’est aux êtres vivants, le monopole qui vient à sa suite, qui en est le but et la fin, et sans lequel la concurrence n’eût point été acceptée, le monopole est et demeurera légitime aussi longtemps que la concurrence, aussi longtemps que les procédés mécaniques et les combinaisons industrielles, aussi longtemps enfin que la division du travail et la constitution des valeurs seront des nécessités et des lois.

Donc, par le fait seul de sa génération logique, le monopole est justifié. Toutefois cette justification semblerait peu de chose et n’aboutirait qu’à faire rejeter plus énergiquement la concurrence, si le monopole ne pouvait à son tour se poser par lui-même, et comme principe.

Dans les chapitres précédents, nous avons vu que la division du travail est la spécification de l’ouvrier, considéré surtout comme intelligence ; que la création des machines et l’organisation de l’atelier expriment sa liberté ; et que, par la concurrence, l’homme, ou la liberté intelligente, entre en action. Or, le monopole est l’expression de la liberté victorieuse, le prix de la lutte, la glorification du génie : c’est