Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/295

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le but de l’impôt a été de modérer ce déplacement et de réagir contre l’usurpation, en exerçant sur chaque privilégié une reprise proportionnelle. Mais proportionnelle à quoi ? à ce que le privilégié a perçu de trop, sans doute, et non pas à la fraction du capital social que son revenu représente. Or, le but de l’impôt est manqué et la loi tournée en dérision, lorsque le fisc, au lieu de prendre son huitième là où ce huitième existe, le demande précisément à ceux à qui il devrait le restituer. Une dernière opération rendra ceci palpable.

Supposant le revenu de la France à 68 centimes par jour et par personne, le père de famille qui, soit à titre de salaire, soit comme revenu de ses capitaux, touche 1,000 fr. par année, reçoit quatre parts du revenu national ; celui qui touche 2,000 francs a huit parts ; celui qui touche 4,000 fr. en a seize, etc. Il suit de là que l’ouvrier qui, pour un revenu de 1,000 fr., paye 125 fr. au fisc, rend à l’ordre public une demi-part, soit un huitième de son revenu et de la subsistance de sa famille ; tandis que le rentier qui, pour un revenu de 6,000 fr., ne paye que 750 fr., réalise un bénéfice de 17 parts sur le revenu collectif, ou, en d’autres termes, gagne avec l’impôt 425 pour cent.

Reproduisons la même vérité sous une autre forme.

On compte en France environ 200,000 électeurs. J’ignore quelle est la somme des contributions payées par ces 200,000 électeurs, mais je ne crois pas m’écarter beaucoup de la vérité en supposant la moyenne pour chacun de 300 fr., total, pour 200,000 censitaires, 60 millions, auxquels nous ajouterons un quart en sus pour leur part de contributions indirectes, soit 75 millions, ou 75 fr. par tête (en supposant la famille de chaque électeur composée de cinq personnes), que paye à l’état la classe électorale. Le budget, d’après l’Annuaire économique de 1845, étant de 1,106 millions, reste 1 milliard 31 millions, ce qui donne 31 fr. 30 c. pour chaque citoyen non électeur, deux cinquièmes de la contribution payée par la classe riche. Or, pour que cette proportion fût équitable, il faudrait que la moyenne de bien-être de la classe non-électorale fût les deux cinquièmes de la moyenne du bien-être de la classe des électeurs : et c’est ce qui n’est pas vrai, il s’en faut plus des trois quarts.