Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/302

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il en change la raison proportionnelle. Ainsi, la progression actuelle de l’impôt, pour les fortunes de 1,000 fr. de revenu et au-dessous, étant comme celle des chiffres 10, 11, 12, 13, etc. ; et pour les fortunes de 1, 00 fr. de revenu et au-dessus, comme celle des nombres 10, 9, 8, 7, 6, etc., l’impôt augmentant toujours avec la misère, et décroissant avec la richesse : si l’on se bornait à dégrever l’impôt indirect qui frappe surtout la classe pauvre, et qu’on imposât d’autant le revenu de la classe riche, la progression ne serait plus, il est vrai, pour la première, que comme celle des nombres 10, 10.25, 10.5O, 10.75, 11, 11.25, etc. ; et pour la seconde, comme 10, 9.75, 9.30, 9.25, 9, 8.75, etc. Mais cette progression, quoique moins rapide des deux côtés, n’en serait pas moins toujours dirigée dans le même sens, toujours à rebours de la justice : et c’est ce qui fait que l’impôt, dit progressif, capable tout au plus d’alimenter le bavardage des philanthropes, n’est d’aucune valeur scientifique. Rien n’est changé par lui dans la jurisprudence fiscale : c’est toujours, comme dit le proverbe, au pauvre que va la besace, toujours le riche qui est l’objet des sollicitudes du pouvoir.

J’ajoute que ce système est contradictoire.

En effet, donner et retenir ne vaut, disent les juriconsultes. Pourquoi donc, au lieu de consacrer des monopoles dont le seul bénéfice pour les titulaires serait d’en perdre aussitôt, avec le revenu, toute la jouissance, ne pas décréter tout de suite la loi agraire ? Pourquoi mettre dans la constitution que chacun jouit librement du fruit de son travail et de son industrie, lorsque, par le fait ou par la tendance de l’impôt, cette permission n’est accordée que jusqu’à concurrence d’un dividende de 56 c. et demi par jour, chose, il est vrai, que la loi n’aurait pas prévue, mais qui résulterait nécessairement de la progression ? Le législateur, en nous confirmant dans nos monopoles, a voulu favoriser la production, entretenir le feu sacré de l’industrie : or, quel intérêt aurons-nous à produire, si, n’étant pas encore associés, nous ne produisons pas pour nous seuls ? Comment, après nous avoir déclarés libres, peut-on nous imposer des conditions de vente, de louage et d’échange, qui annulent notre liberté ?