Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un homme possède, en inscriptions sur l’état, 20,000 liv. de rente. L’impôt, à l’aide de la nouvelle progression, lui enlèvera 50 p. 100. À ce taux, il lui est plus avantageux de retirer son capital, et de manger le fonds à la place du revenu. Donc, qu’on le rembourse. Mais quoi ! rembourser : l’état ne peut être contraint au remboursement ; et s’il consent à racheter, ce sera au prorata du revenu net. Donc, une inscription de rente de 20,000 fr, ne vaudra plus que 10,000 pour le rentier, à cause de l’impôt, s’il veut s’en faire rembourser par l’état : à moins qu’il ne la divise en vingt lots, auquel cas elle lui rendrait le double. De même un domaine qui rapporte 50,000 fr. de fermages, l’impôt s’attribuant les deux tiers du revenu, perdra les deux tiers de son prix. Mais que le propriétaire divise ce domaine en cent lots et le mette aux enchères, la terreur du fisc n’arrêtant plus les acquéreurs, il pourra retirer l’intégralité du capital. En sorte qu’avec l’impôt progressif, les immeubles ne suivent plus la loi de l’offre et de la demande, ne s’estiment pas d’après leur revenu réel, mais suivant la qualité du titulaire. La conséquence sera que les grands capitaux seront dépréciés, et la médiocrité mise à l’ordre du jour ; les propriétaires réaliseront à la hâte, parce qu’il vaudra mieux pour eux manger leurs propriétés que d’en retirer une rente insuffisante ; les capitalistes rappelleront leurs fonds, ou ne les commettront qu’à des taux usuraires ; toute grande exploitation sera interdite, toute fortune apparente poursuivie, tout capital dépassant le chiffre du nécessaire proscrit. La richesse refoulée se recueillera en elle-même et ne sortira plus qu’en contrebande ; et le travail, comme un homme attaché à un cadavre, embrassera la misère dans un accouplement sans fin. Les économistes, qui conçoivent de pareilles réformes, n’ont-ils pas bonne grâce à se moquer des réformistes ?

Après avoir démontré la contradiction et le mensonge de l’impôt progressif, faut-il que j’en prouve encore l’iniquité ? L’impôt progressif, tel que l’entendent les économistes et à leur suite certains radicaux, est impraticable, disais-je tout à l’heure, s’il frappe les capitaux et les produits : j’ai supposé en conséquence qu’il frapperait les revenus. Mais qui ne voit que cette distinction purement théorique de capitaux,