Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/345

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aucune n’est de la compétence du pouvoir ; aucune ne peut être par lui réalisée, parce que l’essence du pouvoir y répugne, et qu’il n’est pas donné à l’homme d’unir ce que Dieu a divisé.

Au moins, diront les partisans de l’initiative gouvernementale, vous reconnaîtrez que pour accomplir la révolution promise par le développement des antinomies, le pouvoir serait un auxiliaire puissant. Pourquoi donc vous opposer à une réforme qui, mettant le pouvoir aux mains du peuple, seconderait si bien vos vues ? La réforme sociale est le but ; la réforme politique est l’instrument : pourquoi, si vous voulez la fin, repoussez-vous le moyen ?

Tel est aujourd’hui le raisonnement de toute la presse démocratique, à qui je rends grâce de toute mon âme d’avoir enfin, par cette profession de foi quasi-socialiste, proclamé elle-même le néant de ses théories. C’est donc au nom de la science que la démocratie réclame, pour préliminaire à la réforme sociale, une réforme politique. Mais la science proteste contre ce subterfuge pour elle injurieux ; la science répudie toute alliance avec la politique, et bien loin qu’elle en attende le moindre secours, c’est par la politique qu’elle doit commencer l’œuvre de ses exclusions.

Combien l’esprit de l’homme a peu d’affinité pour le vrai ! Quand je vois la démocratie, socialiste de la veille, demander sans cesse, pour combattre l’influence du capital, le capital ; pour remédier à la misère, la richesse ; pour organiser la liberté, l’abandon de la liberté ; pour réformer la société, la réforme du gouvernement : quand je la vois, dis-je, se charger de la société, pourvu que les questions sociales soient écartées ou résolues : il me semble entendre une diseuse de bonne aventure qui, avant de répondre aux demandes de ses consultants, commence par s’enquérir de leur âge, de leur état, de leur famille, de tous les accidents de leur vie. Eh ! misérable sorcière, si tu connais l’avenir, tu sais qui je suis et ce que je veux ; pourquoi me le demandes-tu ?

Je répondrai donc aux démocrates : Si vous connaissez l’usage que vous devez faire du pouvoir, et si vous savez comment le pouvoir doit être organisé, vous possédez la science économique. Or, si vous possédez la science écono-