Aller au contenu

Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mône enfin, est devenue pour le malheureux un signe de déchéance, une flétrissure publique ? Et des socialistes, corrigeant le christianisme, osent nous parler d’amour ! La pensée chrétienne, la conscience de l’humanité, avait rencontré juste, lorsqu’elle provoquait tant d’institutions pour le soulagement de l’infortune. Pour saisir le précepte évangélique dans sa profondeur et rendre la charité légale aussi honorable à ceux qui en auraient été les objets qu’à ceux même qui l’eussent exercée, il fallait, quoi ? moins d’orgueil, moins de convoitise, moins d’égoïsme. Pourrait-on me dire, si l’homme est bon, comment le droit à l’aumône est devenu le premier anneau de la longue chaîne des contraventions, des délits et des crimes ? Osera-t-on encore accuser des méfaits de l’homme l’antagonisme de l’économie sociale, alors que cet antagonisme lui offrait une si belle occasion de manifester la charité de son cœur, je ne dis pas par le dévouement, mais par le simple accomplissement de la justice ?

Je sais, et cette objection est la seule qui puisse m’être faite, que la charité souffre honte et déshonneur, parce que l’individu qui la réclame est trop souvent, hélas ! suspect d’inconduite, et que rarement la dignité des mœurs et du travail le recommande. Et la statistique de prouver par ses chiffres qu’il est dix fois plus de pauvres par lâcheté et incurie, que par accident ou mauvaise chance.

Je n’ai garde de récuser cette observation, dont trop de faits démontrent la vérité, et qui d’ailleurs a reçu la sanction du peuple. Le peuple est le premier à accuser les pauvres de fainéantise ; et rien de plus ordinaire que de rencontrer dans les classes inférieures des hommes qui se vantent, comme d’un titre de noblesse, de n’être jamais allés à l’hôpital, et dans leur plus grande détresse de n’avoir reçu aucun secours de la charité publique. Ainsi de même que l’opulence avoue ses rapines, la misère confesse son indignité. L’homme est tyran ou esclave par la volonté, avant de l’être par la fortune ; le cœur du prolétaire est comme celui du riche, un égout de sensualité bouillonnante, un foyer de crapule et d’imposture.

À cette révélation inattendue , je demande comment, si l’homme est bon et charitable, il arrive que le riche ca-