nœuvrer ses hommes d’armes dans leur intérêt autant que dans le sien, et les entretenant, non de ses deniers, mais de leurs propres services.
Au lieu de ces relations fraternelles, nous avons eu l’orgueil, la jalousie et le parjure ; le maître exploitant, comme le fabuleux vampire, le salarié avili, et le salarié conspirant contre le maître ; l’oisif dévorant la substance du travailleur, et le serf, accroupi dans l’ordure, n’ayant plus d’énergie que pour la haine.
« Appelés à fournir dans l’œuvre de la production, ceux-ci les instruments de travail, ceux-là le travail : les capitalistes et les travailleurs sont en lutte aujourd’hui, pourquoi ? Parce que l’arbitraire préside à tous leurs rapports ; parce que le capitaliste spécule sur le besoin qu’éprouve le travailleur de se procurer des instruments, tandis que le travailleur, de son côté, cherche à tirer parti du besoin qu’éprouve le capitaliste de faire fructifier son capital. » (L. Blanc, Organisation du travail. )
Et pourquoi cet arbitraire dans les rapports du capitaliste et du travailleur ? Pourquoi cette hostilité d’intérêts ? Pourquoi cet acharnement réciproque ? Au lieu d’expliquer éternellement le fait par le fait même, allez au fond, et vous trouverez partout, pour premier mobile, une ardeur de jouissance que ni loi, ni justice, ni charité ne retiennent ; vous verrez l’égoïsme escomptant sans cesse l’avenir, et sacrifiant à ses monstrueux caprices, travail, capital, la vie et la sécurité de tous.
Les théologiens ont nommé concupiscence ou appétit concupiscible la convoitise passionnée des choses sensuelles, effet, selon eux, du péché d’origine. Je m’inquiète peu, quant à présent, de savoir ce qu’est le péché originel ; j’observe seulement que l’appétit concupiscible des théologiens n’est autre que ce besoin de luxe, signalé par l’Académie des sciences morales, comme le mobile dominant de notre époque. Or, la théorie de la proportionnalité des valeurs démontre que le luxe a pour mesure naturelle la production ; que toute consommation anticipée se recouvre par une privation ultérieure équivalente, et que l’exagération du luxe dans une société a pour corrélatif obligé un surcroît de misère.