Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/384

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révèle un Dieu, sans dire ce que peut être ce Dieu ; l’ordre du monde nous révèle une fatalité, c’est-à-dire un ensemble absolu et péremptoire de causes et d’effets, en un mot un système de lois, qui serait, si Dieu existe, comme le vu et le su de ce Dieu.

La troisième et dernière preuve de l’existence de Dieu proposée par les théistes, et nommée par eux preuve métaphysique, n’est autre chose qu’une construction tautologique des catégories, laquelle ne prouve absolument rien.

Quelque chose existe, donc il existe quelque chose.

Quelque chose est multiple, donc quelque chose est un.

Quelque chose arrive postérieurement à quelque chose, donc quelque chose est antérieur à quelque chose.

Quelque chose est plus petit ou plus grand que quelque chose, donc quelque chose est plus grand que toutes choses.

Quelque chose est mû, donc quelque chose est moteur, etc., à l’infini.

Voilà ce qu’on appelle, encore aujourd’hui, dans les facultés et les séminaires, de par le ministre de l’instruction publique et de par messeigneurs les évêques, faire la preuve métaphysique de l’existence de Dieu. Voilà ce que l’élite de la jeunesse française est condamnée à bêler à la suite de ses professeurs, pendant un an, sous peine de manquer ses diplômes et de ne pouvoir étudier le droit, la médecine, la polytechnie et les sciences. Certes, si quelque chose a droit de surprendre, c’est qu’avec une pareille philosophie l’Europe ne soit pas encore athée. La persistance de l’idée théiste à côté du baragouin des écoles est le plus grand des miracles ; elle forme le préjugé le plus fort que l’on puisse alléguer en faveur de la Divinité.

J’ignore ce que l’humanité appelle Dieu.

Je ne puis dire si c’est l’homme, l’univers, ou quelque autre réalité invisible que sous ce nom il faille entendre ; ou bien si ce mot n’exprime qu’un idéal, un être de raison.

Toutefois, pour donner corps à mon hypothèse et prise à mes recherches, je considérerai Dieu suivant l’opinion vulgaire, comme un être à part, présent partout, distinct de la création, doué d’une vie impérissable ainsi que d’une science et d’une activité infinies, mais par-dessus tout prévoyant et