Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/383

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Un argument d’un autre genre est celui qui se tire de l’ordre du monde. J’ai observé à cet égard que la nature affirmant spontanément, par la voix de l’homme, sa propre distinction en esprit et matière, il restait à savoir si un esprit infini, une âme du monde, gouvernait et agitait l’univers, comme la conscience, dans son intuition obscure, nous dit qu’un esprit anime l’homme. Si donc, ai-je ajouté, l’ordre était un indice infaillible de la présence de l’esprit, on ne pourrait méconnaître dans l’univers la présence d’un Dieu.

Malheureusement ce si n’est point démontré, et ne saurait l’être. Car, d’une part, l’esprit pur, conçu par opposition à la matière, est une entité contradictoire, dont rien par conséquent ne peut attester la réalité. D’un autre côté, certains être ordonnés en eux-mêmes, tels que les cristaux, les plantes, le système planétaire, qui, dans les sensations qu’ils nous font éprouver, ne nous rendent pas, comme les animaux, sentiment pour sentiment, nous paraissant tout à fait dépourvus de conscience, il n’y a pas plus de raison de supposer un esprit au centre du monde que de le placer dans un bâton de soufre ; et il se peut faire que si l’esprit, la conscience, existe quelque part, ce soit uniquement dans l’homme.

Toutefois, si l’ordre du monde ne peut rien apprendre sur l’existence de Dieu, il révèle une chose non moins précieuse peut-être, et qui nous servira de jalon dans nos recherches : c’est que tous les êtres, toutes les essences, tous les phénomènes sont enchaînés les uns aux autres par un ensemble de lois résultant de leurs propriétés, ensemble que j’ai nommé (ch. III) fatalité ou nécessité. Qu’il existe donc une intelligence infinie, qui embrasse tout le système de ces lois,tout le champ de la fatalité ; qu’à cette intelligence infinie s’unisse dans une pénétration intime une volonté suprême, éternellement déterminée par l’ensemble des lois cosmiques, et par conséquent infiniment puissante et libre ; qu’enfin ces trois choses, fatalité, intelligence, volonté, soient contemporaines dans l’univers, adéquates l’une à l’autre et identiques : il est clair que jusqu’ici nous ne trouvons rien qui répugne ; mais c’est là précisément l’hypothèse, c’est cet anthropomorphisme qui reste à démontrer.

Ainsi, tandis que le témoignage du genre humain nous