Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/386

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que hors de la certitude il n’est pour le croyant ni dignité ni repos.

Les Pères de l’Église répondirent donc aux incrédules que le mal n’est que la privation d’un plus grand bien, et qu’en raisonnant toujours sur le mieux, on manque de point d’appui où l’on puisse se fixer, ce qui conduit droit à l’absurde. En effet, toute créature étant nécessairement bornée et imparfaite, Dieu, par sa puissance infinie, peut sans cesse ajouter à ses perfections : à cet égard, il y a toujours, à un degré quelconque, privation de bien dans la créature. Réciproquement, si imparfaite et bornée qu’on la suppose, du moment que la créature existe, elle jouit d’un certain degré de bien, meilleur pour elle que le néant. Donc, s’il est de règle que l’homme n’est censé bon qu’autant qu’il accomplit tout le bien qu’il peut faire, il n’en est pas de même de Dieu, puisque l’obligation de faire du bien à l’infini est contradictoire à la faculté même de créer : perfection et créature étant deux termes qui s’excluent nécessairement. Dieu donc était seul juge du degré de perfection qu’il convenait de donner à chaque créature : intenter à cet égard une accusation contre lui, c’est calomnier sa justice.

Quant au péché, c’est-à-dire au mal moral, les Pères avaient pour répondre aux objections des athées, les théories du libre arbitre, de la rédemption, de la justification et de la grâce, sur lesquelles nous n’avons plus à revenir.

Je n’ai point connaissance que les athées aient répliqué d’une manière catégorique à cette théorie de l’imperfection essentielle à la créature, théorie reproduite avec éclat par M. de Lamennais dans son Esquisse. Il était impossible, en effet, qu’ils y répondissent ; car raisonnant d’après une fausse conception du mal et du libre arbitre, et dans une ignorance profonde des lois de l’humanité, ils manquaient également de raisons, soit pour triompher de leur doute, soit pour réfuter les croyants.

Sortons de la sphère du fini et de l’infini, et plaçons-nous dans la conception de l’ordre. Dieu peut-il faire un cercle rond, un carré à angles droits ? — Assurément.

Dieu serait-il coupable si, après avoir créé le monde selon les lois de la géométrie, il nous avait mis dans l’esprit, ou