l’humanité qu’on divinise, n’est ni progressive, ni contrastée dans la raison et le sentiment ; en un mot, qu’elle est infinie en tout, ce qui est démenti non-seulement par l’histoire, mais par la psychologie.
Ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre, s’écrient les humanistes. Pour avoir l’idéal de l’humanité, il faut la considérer non plus dans son développement historique, mais dans l’ensemble de ses manifestations, comme si toutes les générations humaines, réunies dans un même instant, formaient un seul homme, un homme infini et immortel.
C’est-à-dire qu’on abandonne la réalité pour saisir une projection ; que l’homme vrai n’est pas l’homme réel ; que pour trouver le véritable homme, l’idéal humain, il faut sortir du temps et entrer dans l’éternel, que dis-je ? déserter le fini pour l’infini, l’homme pour Dieu ! L’humanité, telle que nous la connaissons, telle qu’elle se développe, telle en un mot qu’elle peut exister, est droite ; on nous en montre l’image renversée, comme dans une glace, et puis on nous dit : Voilà l’homme ! Et moi je réponds : Ce n’est plus là l’homme, c’est Dieu. L’humanisme est du théisme le plus parfait.
Quelle est donc cette providence, que supposent en Dieu les théistes ? Une faculté essentiellement humaine, un attribut anthropomorphique, par lequel Dieu est censé regarder dans l’avenir selon le progrès des événements, de la manière que nous autres hommes nous regardons dans le passé, suivant la perspective de la chronologie et de l’histoire.
Or, il est manifeste qu’autant l’infini, c’est-à-dire l’intuition spontanée et universelle dans la science répugne à l’humanité, autant la providence répugne à l’hypothèse d’un être divin. Dieu, pour qui toutes les idées sont égales et simultanées ; Dieu dont la raison ne sépare pas la synthèse de l’antinomie ; Dieu, à qui l’éternité rend toutes choses présentes et contemporaines, n’a pu, en nous créant, nous révéler le mystère de nos contradictions ; et cela précisément parce qu’il est Dieu, parce qu’il ne voit pas la contradiction, parce que son intelligence ne tombe pas sous la catégorie du temps et la loi du progrès, que sa raison est intuitive, et sa science infinie. La providence en Dieu est une contradiction