Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/10

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le tirera d’ailleurs par le commerce ; et l’échange des produits, organisé de peuple à peuple, procurera un adoucissement à la misère.

Mais le monopole, comme s’il avait à se faire dédommager de charges qu’il devait supporter, et qu’en réalité il ne supporte pas, le monopole s’oppose, au nom et dans l’intérêt du travail même, à la liberté des échanges, et réclame le privilège du marché national. D’un côté donc, la société tend à dompter le monopole par l’impôt, la police et la liberté du commerce : de l’autre le monopole réagit contre la tendance sociale et parvient presque toujours à l’annuler, par la proportionnalité des contributions, par la libre discussion du salaire, et par la douane.

De toutes les questions économiques, aucune n’a été plus vivement controversée que celle du principe protecteur ; aucune ne fait mieux ressortir l’esprit toujours exclusif de l’école économiste, qui, dérogeant sur ce point à ses habitudes conservatrices, et faisant tout à coup volte-face, s’est résolument déclarée contre la balance du commerce. Tandis que partout ailleurs les économistes, gardiens vigilants de tous les monopoles et de la propriété, se tiennent sur la défensive et se bornent à écarter comme utopiques les prétentions des novateurs ; sur la question prohibitive ils ont eux-mêmes commencé l’attaque ; ils ont crié haro sur le monopole, comme si le monopole leur fût apparu pour la première fois ; et ils ont rompu en visière à la tradition, aux intérêts locaux, aux principes conservateurs, à la politique leur souveraine, et pour tout dire, au sens commun. Il est vrai que malgré leurs anathèmes et leurs démonstrations prétendues le système prohibitif est aussi vivace aujourd’hui, malgré l’agitation anglo-française, qu’aux temps abhorrés de Colbert et de Philippe II. À cet égard, on peut dire que les déclamations de la secte, comme on nommait l’école économiste il y a un siècle, prouvent à chaque mot le contraire de ce qu’elles avancent, et sont accueillies avec la même méfiance que les prédications des communistes.

J’ai donc à prouver, conformément à la marche adoptée dans cet ouvrage, d’abord contre les partisans du système prohibitif, que la liberté du commerce est de nécessité économique, aussi bien que de nécessité naturelle ; en second lieu contre les économistes anti-protecteurs, que cette même liberté, qu’ils regardent comme la destruction du monopole, est au contraire la dernière main donnée à l'édification de